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Antoine François Fourcroy (1755-1809)

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Antoine François Fourcroy (1755-1809), médecin et comte d'Empire, réformateur et promoteur de l'enseignement hospitalo-universitaire en France

 

Par Xavier Riaud

Antoine François Fourcroy (1755-1809), médecin et comte d'Empire, réformateur et promoteur de l'enseignement hospitalo-universitaire en France
Antoine François Fourcroy 
(Corlieu, 1896, © BIUM)

 

Antoine François Fourcroy est né le 15 juin 1755, à Paris. Sa mère meurt alors qu’il n’a que 7 ans. Fourcroy est le fils d’un apothicaire de la maison du duc d’Orléans, mais alors, que le jeune homme finit ses études de médecine dans la capitale, son père perd sa charge. En 1769, Antoine est contraint de quitter le collège d’Harcourt. Il apprend aux enfants à écrire pour vivre. Vicq d’Azir, le célèbre anatomiste, le persuade de faire une carrière médicale, l’installe comme répétiteur à son cours et lui permet de travailler dans son laboratoire (Fondation Napoléon, 2008). Le 12 octobre 1775, il est maître ès-arts. Le 11 avril 1778, il prête le serment de bachelier (Viel, 2003). Une bourse lui est refusée, au motif des amitiés de la famille avec Vicq d’Azir, serviteur zélé de la Société royale de médecine, concurrente directe de la Faculté de médecine. Vicq d’Azir sollicite ses membres et obtient des subsides qui permettent de payer la fin des études de Fourcroy. Bon gré, mal gré, la Faculté plie et laisse le jeune homme achever ses études. Pourtant, elle lui interdit une régence, le privant de la possibilité d’enseigner (Lemaire, 1992). Fourcroy est docteur en médecine, le 28 septembre 1780 (Dupont, 1999). Jean-Baptiste Bucquet, homme providentiel et professeur de chimie à la Faculté de médecine de Paris, le soutient, mais meurt cette année-là (Feltgen, 1994). En octobre 1780, il est nommé membre de la Société royale de médecine, alors qu’il avait fait le serment par écrit, six mois plus tôt, qu’il ne l’intègrerai pas (Viel, 2003). En 1782, il publie son premier ouvrage et en 1783, il enseigne la physique générale et la chimie à l’Ecole vétérinaire royale d’Alfort. Il donne aussi des cours de physiologie et écrit un livre de thérapeutique appliquée. C’est Buffon qui lui confie une chaire de chimie au Jardin du roi en 1784. Fourcroy y transmet ses connaissances dans le domaine jusqu’à sa mort. Pourtant, ses préoccupations médicales sont loin d’être finies. Le 11 mai 1785, il est élu à l’Académie des sciences et la même année, il donne un enseignement de matière médicale (Dupont, 1999 ; Feltgen, 1994).

En décembre 1791, il préside aux sociétés de médecine et d’agriculture (Grison, 2000 ; Kersaint, 1966).

Politique dans l’âme, il participe à la rédaction des cahiers du Tiers état en 1789. Nouveau membre élu de la Société d’histoire naturelle, il demande que pour y adhérer, il faille faire la preuve de son patriotisme. De même, à l’Académie des sciences, le 25 août 1792, il demande le bannissement de ses compagnons émigrés, ce que l’Académie refuse arguant du fait que, seul, le ministre peut trancher sur un tel dossier. En avril 1792, il est nommé à la commission des poudres et salpêtres dont il prend très vite la présidence. Le 8 août 1793, la Convention vote la fermeture de toutes les Académies et de toutes les sociétés savantes. L’Académie des sciences est donc supprimée, Fourcroy est directement impliqué dans cette mesure. De plus, il soutient activement Marat et ses idées, puisqu’il intègre sa liste. Par le truchement des désistements et l’assassinat de Marat, il est élu quatrième suppléant, et se retrouve à siéger à la Convention où ses talents d’orateur lui permettent de briller, le 25 juillet 1793 (Lemaire, 1992 ; Feltgen, 1994). Rapidement, il entre au Comité d’Instruction publique le 30 juillet. Il en prend même la présidence. Le Jardin du roi est agrandit et devient dans la logique des choses, le Muséum national d’histoire naturelle (Dupont, 1999). Un mot d’ordre chez ce fin politicien : semer l’anarchie pour rétablir l’ordre. C’est ainsi qu’il procède pour réformer l’enseignement hospitalo-universitaire (Lemaire, 1992). Il est nommé secrétaire de la Convention et commande au club des Jacobins, à partir du 1 er décembre 1793, jusqu’au 17 du même mois (Feltgen, 1994). Il propose de réformer l’instruction publique en remplaçant le latin par le français, en défendant la gratuité pour tous, l’accession aux fonctions par concours et le non-cumul des postes d’enseignants. Il souhaite faire fusionner la médecine et la chirurgie, et milite pour la création de trois hôpitaux majeurs (Dupont, 1999). Le 1 er septembre 1794, il intègre le Comité de salut public, où il siège jusqu’au 3 juin 1795 (il réintègre le Comité d’instruction publique après). Ainsi, le 22 novembre 1794, il suggère la mise en place d’une école de santé consacrée aux militaires qui sont désarmés dans le domaine médical. Sur le front, la catastrophe sanitaire atteint un niveau jamais égalé. A force de manœuvres stratégiques et politiques extrêmement habiles, Fourcroy parvient à faire voter par la Convention, le 4 décembre, une loi qui vise à instaurer des écoles de santé à Paris, Strasbourg et Montpellier notamment. La Convention, sans mesurer la portée de son acte, vient de réhabiliter les écoles de médecine, à son corps défendant. Fourcroy met aussitôt en chantier la fondation de ces trois facultés qu’il fait travailler en parfaite corrélation avec les hôpitaux attenants (Lemaire, 1992). Les études y sont gratuites, les enseignants y officient à temps plein et n’obtiennent leurs postes que sur concours, et les diplômes sont nationaux (Dupont, 1999). L’enseignement délivré axe sa priorité vers la pratique. Rien n’a changé depuis finalement. Les étudiants nouvellement diplômés sont affectés prioritairement aux hôpitaux militaires. Fourcroy est professeur de chimie et de pharmacie à l’Ecole de santé de Paris qui vient d’être créée (Grison, 2000 ; Kersaint, 1966). Les cours ne commencent qu’en avril 1795 (Feltgen, 1994).

Ses fonctions lui permettent de sauver de la guillotine, Desault (mai 1794), Chaptal (septembre 1793) Vicq d’Azyr et D’Arcet, mais il échoue pour Lavoisier. Certains diront qu’il n’a pas mis la même ardeur à défendre ce dernier que les autres, lui, pourtant, reconnu comme orateur si irrésistible. Pourtant, Cuvier, lors de son éloge du 7 janvier 1811, atteste avec fermeté que rien n’est venu vérifier pareille assertion. Fourcroy défend activement de nouvelles institutions comme l’Ecole polytechnique dénommée ainsi à partir du 1 er septembre 1795, ancienne école centrale des travaux publics décrétée par la Convention, le 24 septembre 1794, où il dispense ses connaissances dès l’ouverture de ses portes le 21 décembre 1794 ( http://cths.fr, 2010 ; Feltgen, 1994). Pendant un mois, il délivre un cours de chimie par jour, puis aidé de Vauquelin, son assistant avec qui il a publié un livre en 1783, ils se partagent l’enseignement. En décembre 1795, il intègre l’Institut à sa création, section chimie. Il en est élu président en 1797 (Fondation Napoléon, 2008).

Par la suite, il est élu par la Sarthe aux Conseils des Anciens en novembre 1795. Il y reste jusqu’au 20 mai 1797.

Le 2 octobre 1796, Fourcroy est élu membre associé libre de la Société libre de pharmacie de Paris. Il en est membre résidant le 5 décembre de la même année (Viel, 2003).

Après le 18 brumaire, Bonaparte le nomme au poste de conseiller d’Etat, le 25 décembre 1799 et lui confie la direction de l’instruction publique le 20 septembre 1802 (Dupont, 1999 ; Grison, 2000 ; Kersaint, 1966). Il renonce alors à son traitement de professeur. Il travaille à la mise en place de six écoles de médecine, des écoles de pharmacie, des 12 écoles de droit, d’une trentaine de lycées et de 300 collèges communaux. Malgré l’immensité de sa tâche, il la mène avec brio.

En 1801, il est missionné en Vendée pour y faire un état des lieux, après la paix provisoire obtenue dans la région par Bonaparte ( http://fr.wikipedia.org, 2010 ; Feltgen, 1994). Il établit durant ce voyage, un rapport sur les hospices civils et les enfants trouvés (Feltgen, 1994).

A partir de 1802, Fourcroy milite activement pour une réforme de la médecine et a une large part de responsabilité dans la loi du 19 ventôse an XI (10 mars 1802) qui fixe la durée des études médicales et leurs programmes sanctionnés, à la fin, par des examens et la soutenance d’une thèse (Grison, 2000 ; Kersaint, 1966). La loi du 11 avril 1803, dont Fourcroy assume l’entière paternité, voit la création de trois écoles de pharmacie : Paris, Montpellier et Strasbourg. Fourcroy participe activement également à l’enseignement délivré aux étudiants (Viel, 2003).

Il est fait chevalier de la Légion d’honneur le 2 septembre 1803, puis commandeur le 14 juin 1804.

Napoléon, beaucoup plus tatillon, lui fait réécrire 23 fois les derniers textes établissant l’Université impériale, qui est décrétée le 10 mai 1806 et n’est officiellement adoptée par le Conseil d’Etat que le 5 mars 1808. Le décret n° 3179 l’organisant n’est signé par Napoléon que le 17 mars 1808. Avec lui, l’enseignement hospitalo-universitaire voit le jour. Napoléon n’apprécie pas Fourcroy et n’hésite pas à le harceler. Pourtant, conscient de la réforme que ce dernier entreprend et du travail accompli, il le fait comte d’Empire, le 26 avril 1808, mais ne le nomme pas à la tête de l’Université, ce que le médecin perçoit comme une humiliation qui l’accompagne dans ses derniers jours et dont il ne se remettra pas. Le 31 décembre 1808, il quitte la direction de l’Instruction publique. A la fin, une fois le texte approuvé, Fourcroy, y ayant laissé ses dernières forces, décède à Paris, le 16 décembre 1809, d’une crise cardiaque (Lemaire, 1992). Napoléon le prédestinait à prendre la direction générale des Mines. Il lui avait attribué une rente annuelle de 10 000 francs juste avant sa mort (Feltgen, 1994). Il est enterré au Père-Lachaise dans la 11 ème division (Landru, 2008).

Fourcroy, bien qu’orateur brillant et vaniteux, soucieux de gloire et du bien paraître, n’a jamais fait preuve de jalousie et n’a jamais brigué le pouvoir pour le pouvoir. Il s’attachait au bien public et n’hésitait pas s’investir au maximum de ses fonctions et de son potentat pour défendre les idées qui lui étaient chères. C’est en cela que Napoléon l’a sollicité, ainsi que pour ses talents d’administrateur et d’organisateur (Grison, 2000 ; Kersaint, 1966). Napoléon conserve, dans sa bibliothèque à l’île d’Elbe, deux de ses livres :Système des connaissances chimiques et de leurs applications aux phénomènes de la nature et de l’art (Paris, an IX-X) et Philosophie chimique ou vérités fondamentales de la chimie moderne disposées dans un ordre nouveau (1792). C’est dire la valeur des écrits de Fourcroy au vu de l’inimitié que lui a portée l’Empereur (Fondation Napoléon, 2008). Il était un chimiste hors pair, dont l’œuvre monumentale a été consacrée par ses pairs. Il était un professeur de chimie très apprécié à l’éloquence rare. Il était un politique au service des autres, au service des idées qu’il estimait justes.

 

Références bibliographiques  :

Bibliothèque Interuniversitaire (BIUM), communication personnelle, Paris, 2010.

Corlieu Auguste, Centenaire de la Faculté de Médecine de Paris (1794-1894), Alcan – Baillère – Doin – Masson (éd.), Paris, 1896.

Dupont Michel, Dictionnaire historique des Médecins dans et hors de la Médecine, Larousse (éd.), Paris, 1999.

Feltgen, « Antoine François de Fourcroy », in CHU – Hôpitaux de Rouen, séance du 16 mars 1994, www3.chu-rouen.fr, pp. 1-15.

Fondation Napoléon, « Fourcroy Antoine-François, comte de (1755-1809), chimiste, conseiller d’Etat », in http://www.napoleon.org, 2008, pp. 1-3.

Grison Emmanuel, « Fourcroy », in Bulletin de la Société des Amis de la Bibliothèque de l’Ecole Polytechnique, avril 2000, vol. 23, http://www.sabix.org, pp. 1-5.

http://cths.fr , Fourcroy Antoine François, 2010, pp. 1-2.

http://fr.wikipedia.org , Antoine-François Fourcroy, 2010, pp. 1-3.

Landru Philippe, « Fourcroy Antoine de (1755-1809) », in http://www.landrucimetieres.fr, 2008, p. 1.

Kersaint Georges, Antoine-François de Fourcroy (1755-1809). Sa vie, son œuvre, du Muséum (éd.), Paris, 1966.

Lemaire Jean-François, Napoléon et la médecine, François Bourin (éd.), Paris, 1992.

Viel Claude, « Antoine-François de Fourcroy (1755-1809), promoteur de la loi de Germinal an XI », inRevue d’histoire de la pharmacie, 2003 ; n° 339 : 377-394.

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