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Philippe Jean Pelletan (1747-1829)

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Philippe Jean Pelletan (1747-1829), médecin, chevalier de l'Empire ou la folle odyssée du cœur de Louis XVII

 

Par Xavier Riaud

Xavier Riaud - Histoire de la médecine


Philippe Jean naît le 4 mai 1747, à Pairs. Il est le fils de Jean Pelletan, maître en chirurgie, membre du Collège et de l’Académie royale de chirurgie. C’est pourquoi, baigné dès l’enfance dans la médecine, il étudie très vite l’anatomie et la chirurgie aux côtés de son père. A côté de cela, il fait de bonnes études littéraires. Dépourvus de lecture, un de ses amis lui procure l’anatomie selon Winslow. Pour le remercier, Pelletan entreprend de le former à l’anatomie et c’est ainsi qu’il commence à enseigner, et c’est ainsi qu’il a appris à perfectionner ses qualités d’orateur ( http://fr.wikipedia.org, 2010).

Très apprécié en tant que chirurgien à l’Hôtel-Dieu, qu’il ne quittera plus, pour son humanisme et sa technique brillante, il est vite surnommé le Chrysostome de la chirurgie par ses pairs, mais aussi Bouche d’or (Dupont, 1999). Il montre beaucoup de commisération pour ses malades pauvres et est très vite remarqué pour l’excellence de ses cours en tant que professeur dans le public ( http://fr.wikipedia.org, 2010). Il est dévoué, consciencieux et honnête. Il convole en justes noces, le 1 er février 1777. Il a un fils de cette union. Sa femme décède en 1787. Pelletan se remarie et de sa nouvelle épouse, il a un fils, Gabriel (De La Chapelle, 2003).

En 1786, il postule pour le poste de professeur de l’Ecole de Santé. Desault est nommé à sa place. Pelletan est très déçu, car c’est un ambitieux. Il n’hésite pas à employer tous les moyens pour atteindre ses objectifs, même les plus déloyaux envers ses collègues.

En 1789, il devient officiellement professeur d’anatomie aux écoles de chirurgie. Il intègre le Comité de salubrité sous la Constituante. Révolutionnaire convaincu, il offre sa première année de traitement à l’Assemblée nationale. Cette année-là, il est chirurgien major de la Garde nationale. Mallet du Pan, le publiciste suisse bien connu, écrit de lui, en 1795 : « C’est un révolutionnaire féroce, qui servait d’espion au Comité de sûreté générale. Il formait dans la prison Saint-Lazare (Il était chirurgien en chef des prisons de Paris (Pelletan, 1810)), des listes de victimes à guillotiner. » C’est alors qu’il décide de s’engager dans l’armée. Il rejoint l’armée des Pyrénées, puis celle du Nord où il officie en tant que chirurgien major. Convaincu de ses compétences, le Conseil de santé des armées en fait un de ses membres (Dupont, 1999).

Alors que Marat vient d’être assassiné par Charlotte Corday, le 13 juillet 1793, résidant rue de Touraine, faubourg Saint-Germain, Pelletan est vite sur les lieux et c’est lui qui fait la constatation du décès de l’homme politique (Sans auteur, 1793). Le procès-verbal de constat de décès porte sa signature. Il est alors chirurgien consultant des armées de la République et membre du Conseil de santé.

En 1794, il obtient la chaire de clinique chirurgicale à la fondation de l’Ecole de santé de Paris, future faculté de médecine, puis devient chirurgien de l’Humanité (ex-Hôtel-Dieu). Par la prise de 25 bains chauds, il soulage et guérit Restif de La Bretonne, le célèbre écrivain, d’une rétention urinaire (Dupont, 1999 ; Lemaire, 1992 & 2003).

Lorsque Desault décède en 1795, Philippe Jean lui succède au chevet de Louis XVII qui est mourant et fort logiquement, à sa mort le 8 juin de cette année-là, dans la prison du Temple, il en pratique l’autopsie le 9 juin. Assisté des docteurs Lassus, Dumangin et Jeanroy, il subtilise le cœur du jeune défunt à l’insu de ses collègues. Rentré chez lui, il enferme ce cœur dans un vase de cristal rempli d’esprit de vin. Il le cache dans sa bibliothèque, derrière ses livres. C’est Pelletan qui doit rendre compte devant la Convention, dans son procès-verbal d’autopsie, de l’état des viscères du Dauphin décédé ( http://fr.wikipedia.org, 2010). Il le reste pendant près de 10 ans. L’alcool s’évapore lentement et le cœur desséché est conservable ainsi. Vers 1810, un élève de Pelletan, Jean-Henri Tillos, réussit à voler cette relique, après que le chirurgien ait commis l’imprudence de lui en parler. Quelques années plus tard, Tillos décède de la tuberculose et exige sur son lit de mort que l’objet soit rendu à son maître ( http://louis17.chez.com, 2010). A la première Restauration, Pelletan entre en contact avec la famille royale pour lui restituer le précieux bien. En butte aux intrigues de cours, accusé de sympathie bonapartiste, c’est un échec. Il ne parvient même pas à être reçu par Louis XVIII. Pourtant, il est démarché par la duchesse d’Angoulême, sœur de Louis XVII, qui veut en savoir plus sur les derniers instants de son frère. Le retour de Napoléon met un terme à ses tractations naissantes. Lors de la seconde Restauration, il contacte de nouveau la famille royale. C’est un nouvel échec. Des enquêtes sont diligentées et Pelletan argumente, prouve, et réfute tous les propos diffamatoires dont il fait l’objet. La relique demeure cachée derrière ses livres (Lemaire, 1992 & 2003 ; http://louis17.chez.com, 2010).

Le 23 mai 1823, le médecin remet le cœur à l’archevêché de Paris, entre les mains de Monseigneur de Quelen qui s’engage à le rendre à Charles X. En 1829, Pelletan meurt. Pourtant, la folle odyssée du cœur de Louis XVII ne fait que commencer. En 1830, il revient entre les mains du fils du médecin, Philippe Gabriel, également médecin, qui le conserve jusqu’en 1879, année de sa mort ( http://louis17.chez.com, 2010)…

 

Revenons à l’histoire de Philippe Jean Pelletan, chevalier de l’Empire.

Le 13 décembre 1795, il intègre l’Institut de France en tant que membre de la 1 ère classe, section de médecine et de chirurgie. C’est Dominique Larrey qui lui succède en 1829, à l’Académie des sciences.

Dès la première promotion, en juillet 1804, il est fait membre de la Légion d’honneur aux Invalides. Pelletan voue un culte indéfectible à l’Empereur. Il dit de lui : « Puis-je oublier l’honneur insigne d’avoir siégé auprès de ce grand homme ? Je l’admirais en silence : aujourd’hui, l’univers célèbre sa gloire et l’humanité entière jouit de ses bienfaits. Puisse son heureuse postérité égaler en nombre les étoiles du firmament ? »

Apprécié de l’Empereur, il en devient le chirurgien consultant. Son nom apparaît pour la première fois sur l’Almanach impérial de 1806 (Almanach impérial, 1806). A la mort de Baudelocque en 1810, il est candidat à sa succession à la Maternité de la maison de l’Empereur. C’est finalement Antoine Dubois qui lui est préféré. Il devient chevalier de l’Empire, le 16 décembre 1810 (Georgel, 1869).

En 1810 également, paraît son livre de référence intitulé Clinique chirurgicale ou mémoires et observations de chirurgie en trois volumes (Pelletan, 1810).

En 1814, après l’abdication, il tente de se justifier de ses choix révolutionnaires et s’englue dans son argumentation peu crédible. Arriviste, il qualifie même Napoléon, à qui il doit beaucoup, d’usurpateur et les Cents-Jours, d’erreur regrettable. En butte avec Dupuytren, autre brillant chirurgien, alors que Philippe Jean est son chef et maître, ce dernier relève des erreurs dans une opération du 21 octobre 1814. Il ne manque pas de les signaler. En 1815, Philippe Jean est titulaire de la chaire de médecine opératoire et en 1818, de la chaire d’accouchement. Toujours en 1815, un officier proche du Tsar Alexandre vient en consultation à l’Hôtel-Dieu. Pelletan commet une erreur de diagnostic dont découle une intervention chirurgicale calamiteuse, où il prend panique, qui entraîne la mort du malade. Opportuniste, Dupuytren n’hésite pas à en informer le médecin personnel du Tsar Alexandre qui réclame aussitôt une enquête. Celle-ci est diligentée et le 6 septembre 1815, Pelletan est démis de ses fonctions par décision du Conseil général des hospices (De La Chapelle, 2003). Dénué de scrupules, Dupuytren le supplante au poste de chirurgien en chef de l’Hôtel-Dieu, par des moyens peu déontologiques. Ce n’est pas pour rien que Dupuytren est surnommé le Brigand de l’Hôtel-Dieu. Ses collaborateurs mesurent alors toute la portée de ce sobriquet. Pelletan a alors 68 ans. Le titre de chirurgien en chef honoraire lui est tout de même laissé (De La Chapelle, 2003).

Après la création de l’Académie de médecine en 1820, Pelletan prend comme un grand honneur d’y figurer en tant que membre.

En 1822, Pelletan est toujours un orateur de valeur et un chirurgien audacieux. Quand Pelletan fait nommer son fils Philippe Gabriel au poste d’aide de clinique, Dupuytren, perclus de haine, le fait renvoyer sèchement de son service par l’administration (Dupont, 1999).

Totalement désargenté puisqu’il ne lui reste pour seul émolument que sa pension de membre titulaire à l’Institut, Philippe Jean Pelletan meurt le 26 septembre 1829, à Bourg-la-Reine. C’est dans le cimetière de cette ville qu’il est enterré. Il était membre associé de l’Académie impériale de Turin, membre associé honoraire de l’Académie impériale Joséphine de Vienne et de celle de Madrid (Pelletan, 1810). Pelletan a peu inventé, parce qu’il savait beaucoup. Il attachait peu de prix aux innovations parce qu’il maîtrisait son art au plus haut degré.

 

 

Références bibliographiques  :

Almanachs impériaux, Testu & Cie imprimeurs, Paris, 1805 à 1813.

De La Chapelle, Laure, « Les deux cœurs de Louis XVII », in www.museelouisxvii.com, 2003, pp. 1-37.

Dupont Michel, Dictionnaire historique des Médecins dans et hors de la Médecine, Larousse (éd.), Paris, 1999.

Georgel Alcide, « Armorial de l’Empire français », in http://www.euraldic.com ou Bibliothèque Nationale de France, Paris, 1869.

http://fr.wikipedia.org , Philippe-Jean Pelletan, 2010, pp. 1-2.

http://louis17.chez.com , L’odyssée d’un cœur, 2010, pp. 1-3.

Lemaire Jean-François, Napoléon et la médecine, François Bourin (éd.), Paris, 1992.

Lemaire Jean-François, La médecine napoléonienne, Nouveau Monde/Fondation Napoléon (éd.), Paris, 2003.

Pelletan Philippe Jean, Clinique chirurgicale ou mémoires et observations de chirurgie, Imprimerie J. G. Dentu, 3 vol., Paris, 1810.

Sans auteur, Minutes du Procès de Charlotte Corday d’Armont devant le Tribunal révolutionnaire, Paris, 14-20 juillet 1793.


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