ARTICLES - Guerre de Sécession américaine (1861-1865)

Dr Henry Parr (1843-1932)

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Prix Georges Villain d'histoire de l'art dentaire

Dr Henry Parr (1843-1932), le dentiste d'Ulysses S. Grant

 

par
Xavier Riaud

 

Dr Henry Parr (1843-1932), © The Dr Samuel D. Harris National Museum of Dentistry - Histoire de la médecine pendant la guerre de sécession

Dr Henry Parr (1843-1932), © The Dr Samuel D. Harris National Museum of Dentistry.


Le 29 janvier 1863, Henry Albert Parr déclarait être né à New York autour de 1843. Mais, le mystère demeure sur sa date et son lieu de naissance. Peut-être est-ce dû à ses activités d’agent secret ?


1862 : les raids du général confédéré Morgan

Au début de la Guerre de Sécession, Parr quitte sa maison dans le Tennessee pour rejoindre le 2ème bataillon de cavalerie du Kentucky commandé par le général John Hunt Morgan (Hyson & Swanson, 1996). Son premier fait d’armes reconnu date du 26 février 1862. Il fait partie de douze volontaires qui réussissent à pénétrer les lignes ennemies et à mettre le feu à un bateau à vapeur fédéral à Nashville. Malgré la poursuite de la cavalerie nordiste, ils parviennent à regagner leur Q.G. avec un blessé seulement. Plus tard, il est fait prisonnier. Il réussit à s’enfuir sur le territoire canadien. Sous liberté conditionnelle, il revient sur le sol américain.


1863 : agent des services secrets sudistes

Il est très difficile de situer le moment exact où Parr est devenu un agent secret confédéré. En 1863, Il est envoyé à nouveau à Nashville. Il y tient un drugstore de la W. F. Gray Company. En fait, sa mission est de pousser les soldats nordistes à déserter. Il y parvient en fabriquant de faux papiers. En janvier 1863, bien qu’étant accusé par le prévôt de l’Union d’avoir aidé trois soldats à déserter, il n’est pas davantage inquiété (Hyson & Swanson, 1996).


Le Chesapeake : un acte de piraterie qui déclenche une crise internationale

Associé à John Brain, un espion sudiste de triste renommée, Parr recrute des hommes afin de s’emparer d’un bateau fédéral, le Chesapeake. Ce bateau transporte pour 10 000 $ de sucre destinés au Canada et 100 bales de coton d’une valeur de 40 000 $ destinées à des usines du Maine. Le samedi 5 décembre 1863, Parr et ses hommes embarquent sur le navire en

 

destination de Portland. Le 7, les pirates s’emparent du bateau en tuant un homme. Pour ravitailler, ils font route vers Halifax en Nouvelle Ecosse. Un navire de guerre nordiste Ella and Annie est lancé à la poursuite du Chesapeake après le 10. Les captifs sont libérés ce jour-là. Un deuxième vaisseau de guerre, l’USS Dacotah part à son tour à la poursuite du Chesapeake qui est repris le 15 aux soldats confédérés dans les eaux territoriales britanniques. Le navire devait être remis aux autorités canadiennes sur ordre du Département de la Navy de Washington. Le commandant de l’USS Dacotah hésite à exécuter cet ordre. Il finit par céder alors que les fusils canadiens sont sur le point de faire feu. Cet acte de piraterie en haute mer a déclenché une crise internationale entre le Canada et les USA qui a failli pousser l’Angleterre à entrer en guerre. Pendant ce temps, Parr parvient à s’échapper. Rentré aux Etats-Unis, il fait son rapport à ses supérieurs à Richmond (Riaud, 2006).


Dernières actions…

Brain et son comparse se font une spécialité d’attaquer des bateaux nordistes (Hyson & Swanson, 1996). Ils s’emparent du Roanoke, le 29 septembre 1864. Avec celui-ci, ils capturent deux bricks nordistes. Une tempête les pousse à saborder le navire. Le 1er avril 1865, se faisant passer pour des soldats nordistes, ils investissent la goélette Saint Mary. Dernier bateau confédéré dans les Caraïbes, il est brûlé le 7 avril. La guerre finit le 9 avril. Parr rentre alors au Canada (The Dr Samuel D. Harris National Museum of Dentistry, 2005).


Après la guerre, un parcours chaotique…

En 1865, il ouvre une pharmacie sous l’enseigne « Parr & Co » dans le comté de Yarmouth, en Nouvelle Ecosse. En 1875, il s’associe et ouvre une autre pharmacie appelée « C.C. Richards and Company ». En 1878, le 24 juin, il est arrêté lors d’un voyage à Boston et est mis en accusation du meurtre d’Owen Shaffer, le second machiniste du Chesapeake. Il est finalement relâché et les plaintes sont abandonnées (Hyson & Swanson, 1996).


Le dentiste

En 1879, il rompt son engagement avec Richards et ouvre sa propre officine. Un jour, il commence à pratiquer la dentisterie. Il serait le premier à avoir posé des couronnes et des bridges en Nouvelle Ecosse. Son échoppe ayant brûlé, il se décide à partir à New York où il commence à suivre les cours à l’Ecole dentaire de Baltimore. En 1884, à l’âge de 38 ans, il obtient son doctorat de chirurgie dentaire à Baltimore. Il reçoit une médaille d’or pour ses compétences. De 1885 à 1922, il se rend utile comme instructeur clinique dans l’université qui l’a formé et fait partie du conseil des membres extérieurs créé par le corps enseignant (Riaud, 2006).


Le clinicien

En novembre 1885, il présente un premier cas de bridge avec des couronnes sur pivot ancrées dans les racines des dents à la réunion mensuelle de la Dental Society du Premier District de New York. En septembre 1887, lors du 9ème congrès dentaire international tenu à Washington D.C., il présente des couronnes en or avec une facette en porcelaine. En 1889, il décrit dans le Dental Cosmos, les « attaches à ressorts » pour les dentiers partiels amovibles qui s’adaptent parfaitement aux contreforts d’une couronne. La même année, il publie un autre article dans le Journal britannique des Sciences dentaires où il décrit une autre technique de bridge. Dès 1890, Parr est désigné dans un éditorial comme « le spécialiste bien connu des couronnes et des bridges » (Hyson & Swanson, 1996).

Il s’attribue diverses innovations techniques comme un nouveau maillet mécanique automatique destiné aux obturations en or (1894), un écarteur de bouche (1911)…


Des patients célèbres

Le Dr Parr a exercé pendant 15 ans à New York. Après la Guerre de Sécession, Ulysses S. Grant sera l’un de ses patients. Il ne commence à le soigner qu’à partir de 1885. Grant, qui se moque bien d’être traité par un ancien sudiste, meurt le 23 juillet 1885, d’une maladie considérée par beaucoup comme étant d’origine dentaire. Il est de notoriété qu’une molaire cassée a entraîné une irritation à la base de la langue et celle-ci, aggravée par la cigarette, a dégénéré en tumeur cancéreuse s’étendant au larynx et aux glandes lymphatiques. En 1926, des voleurs se sont introduits dans le bureau de Parr, sur la 42ème rue, et ont volé les appareils dentaires du président Grant et de sa femme.

En 1906, Henry Parr devient le dentiste de Harry K. Thaw, accusé du meurtre du célèbre architecte américain Sanford White. Le dentiste est venu traiter Thaw dans sa cellule qui lui a payé la somme de 277 $ pour ses bons soins, le 22 novembre 1906.


Un « rebelle » jusqu’au bout

Le Dr Henry Parr décède le 6 août 1932, à New York, à l’âge de 86 ans. Il est enterré au cimetière de Laurel Hill de Philadelphie, le 8 août, dans une tombe sans nom. Il est resté jusqu’au bout un « rebelle » confédéré militant pour des causes sécessionnistes qui lui étaient chères (The Dr Samuel D. Harris National Museum of Dentistry, 2005).


Références bibliographiques:

Hyson John Jr & Swanson Ben, Portrait of a Confederate Secret Agent: Henry A. Parr, D.D.S., in J.Hist.Dent., 1996 Jul; 44(2): 53-60.

Riaud Xavier, L’influence des dentistes américains pendant la Guerre de Sécession (1861-1865), L’Harmattan (éd.), Collection Médecine à travers les siècles, Paris, 2006.

The Dr Samuel D. Harris National Museum of Dentistry, communication personnelle, Baltimore, U.S.A., 2005.


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