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Prix Georges Villain d'histoire de l'art dentaire

Quelques dentistes allemands héroïques...

Par
Xavier Riaud

Le Reichsverband der Zahnärzte Deutschlands (= Association du Reich des chirurgiens-dentistes d’Allemagne) est très vite réorganisé et l’installation du nouveau conseil d’administration, le 24 mars 1933, avec à sa tête, le chirurgien-dentiste de Leipzig, Ernst Stück, ressemble à s’y méprendre à un passage en force. Dès le 23 mai 1933, Stück ordonne que les responsables syndicaux des régions et des cantons se dotent d’un représentant politique appartenant à la NSDAP (= Parti nazi).
Le 2 octobre 1933, le ministre de l’Intérieur du Reich nomme le 
Dr Ernst Stück au poste de Reichszahnärzteführer (= chef des chirurgiens-dentistes du Reich). Le Reichsverband der Zahnärzte Deutschlands obtient alors un nouveau statut. Les chirurgiens-dentistes font dès lors partie de la politique sanitaire nazie (Cagerodcev & Thom, 1989 ; Riaud, 2005).
Le 1er octobre 1934, le Reichszahnärzteführer décrète que tout chirurgien-dentiste qui n’est pas encore installé doit suivre un enseignement idéologique, militaire et professionnel de huit semaines. C’est une condition sine qua non d’agrémentation des caisses. Les praticiens doivent aussi ne pas perdre de vue que leur savoir et leurs compétences professionnelles sont mis au service de la santé publique le plus largement possible à des fins prophylactiques. 

Lors de la 7ème assemblée des chirurgiens-dentistes d’Allemagne en 1935, le Reichsverband der Zahnärzte Deutschlands change de nom et devient la Deutsche Zahnärzteschaft (= Ordre allemand des chirurgiens-dentistes). Par cette évolution, la profession ne change pas seulement de nom. Elle adopte aussi l’idéologie d’aryanisation du régime nazi. Le Dr Stück affirme, lors de ce congrès, que « chaque dentiste allemand doit devenir national-socialiste. » 

Après 1935, lorsque le service national est remis à l’ordre du jour, les chirurgiens-dentistes sont incorporés pour des exercices militaires à court terme. Les connaissances médicales des chirurgiens-dentistes sont utilisées dans la défense aérienne en prévention d’une attaque de pays voisins ou en protection de la population civile en cas d’agression (Cagerodcev & Thom, 1989 ; Riaud, 2005). 
Au début de la guerre, le Dr Stück en appelle à ses confrères et à leur patriotisme : « Il n’y a personne parmi nous qui ne soit pas prêt à suivre le Führer, avec une confiance inébranlable et une obéissance aveugle, peu importe ce qu’il arrive !... Peu importe où se trouve le dentiste allemand… Partout, il fera tout afin d’aider le Führer à remporter la victoire. Des sacrifices et des privations de toutes sortes seront inévitables. Ils seront naturellement acceptés comme un devoir à accomplir. »

Dans les premiers mois de la guerre, 6 000 d’entre eux sont incorporés. Cet engouement massif pour le drapeau pose le problème des soins délivrés à la population civile. Priorité est indéniablement donnée aux soldats. A tel point que le Dr Stück, se voulant rassurant, affirme : « L’appelé au front doit avoir la conviction, que l’on s’occupera justement et suffisamment des siens. » Il ne s’agit pas là d’altruisme, mais de maintenir le moral des combattants (Fischer, 1985). Le cours de la guerre en a décidé autrement…

Le Dr Walter Lange (1898-1982) est devenu le colonel de la réserve allemande le plus décoré pendant la Seconde Guerre mondiale. Dentiste avant la guerre, il a reçu la 300ème Croix de chevalier de la Croix de fer avec feuilles de chêne, le 15 septembre 1943, des mains d’Adolf Hitler lui-même, pour actes de bravoure sur le champ de bataille et pour son commandement à la tête du régiment de grenadiers 43. Il avait déjà été distingué pendant la Première Guerre mondiale où il a reçu la Croix de fer de 2nde classe, le 24 août 1914, et celle de 1ère classe, le 8 janvier 1918 (http://en.wikipedia.org (d), 2011). Il a repris son exercice après la guerre.


Le Dr Helmut Bennemann (1915-2007) a été pilote dans la Luftwaffe, dès 1940. Après plus de 400 missions sur tous les fronts où il a été blessé grièvement à deux reprises, il a abattu 93 avions ennemis. Lieutenant-colonel dirigeant les escadrilles 52, puis 53, il reçoit pour son action, la Croix de chevalier de la Croix de fer, le 2 octobre 1942. Avec les plus grands pilotes de la Luftwaffe, il s’insurge contre le commandement incompétent de Goering, au début 1945. Docteur en médecine dentaire avant la guerre, il retourne à son cabinet après la guerre (http://www.luftwaffe.cz, sans date ; http://en.wikipedia.org (a), 2011). 

Le Dr Friedrich Brock (1916-1994) a été pilote de la Luftwaffe. Il totalise 8 victoires (15 selon d’autres auteurs). Blessé à deux reprises, il reçoit la Croix de fer de 1ère classe, le 3 avril 1944 et est promu capitaine, le 1er juillet. Sa deuxième blessure aux yeux lui vaut d’être tenu à l’écart des combats. Capturé par les Britanniques en mai 1945, il est libéré en septembre. Il rouvre alors son cabinet dentaire qu’il avait quitté à sa mobilisation, le 26 août 1939 (http://www.cieldegloire.com, sans date).


Le Dr Otto Ites (1918-1982) a été capitaine des U-Boot 146, puis 94. Après 7 missions, il a coulé 15 navires alliés. A la 7ème, son sous-marin est coulé par le fond par une corvette canadienne, le 28 août 1942. Il fait partie des 26 survivants. Il demeure en captivité jusqu’en mai 1946. Il a reçu la Croix de chevalier de la Croix de fer, le 28 mars 1942, et a été cité à deux reprises à l’ordre du jour de la Wehrmacht, le 30 mars et le 18 juin 1942. Après la guerre, il devient dentiste pour une courte période puisqu’il rejoint la Bundesmarine en 1956, où il termine sa carrière au grade de contre-amiral (Helgason, 1995-2001 ; http://en.wikipedia.org (c), 2011). 


Karl Brommann (1920- ) a été sous-lieutenant dans la Waffen-SS. Il a été décoré de la Croix de chevalier de la Croix de fer pour avoir détruit 66 blindés, 15 véhicules et 44 canons antichars alliés pour les seules batailles de Danzig et de Sopot. Mis à l’ordre du jour de la Wehrmacht, le 10 avril 1945, pour ses faits d’armes, il est ainsi récompensé pour son exceptionnelle bravoure et son commandement. Grièvement blessé et brûlé en mars 1945, il est capturé par les Anglais, à l’hôpital de Flensburg. Libéré en novembre 1947, il entame une carrière de prothésiste dentaire (Schulz, 1989; http://en.wikipedia.org (b), 2011). 


Gerd Pleiss (1915-1941) a été dentiste avant la guerre. Il a suivi la formation d’une école dentaire et n’est pas diplômé en médecine dentaire. Il s’engage en 1936, au grade de sous-lieutenant. Pour son courage pendant la campagne de Pologne, puis de France, il est promu capitaine dans l’infanterie de la Waffen-SS. En 1941, il part sur le front de l’est où il est tué près de Rostov. Il a commandé la 1ère compagnie de la SS-Leibstandarte. Pour ses faits d’armes sur le front russe, il a reçu la Croix de chevalier de la Croix de fer (Schulz, 1989 ; http://www.ritterkreuztraeger-1939-45.de, sans date).

Walter Rott (1915-1998) est étudiant en médecine dentaire lorsqu’il est appelé sous les drapeaux en 1940. En 1941, il est envoyé sur le front de l’est. C’est en tant que lieutenant qu’il participe aux affrontements sanglants de Crimée. Le 29 février 1944, il reçoit la Croix allemande en or pour « actes de bravoure exceptionnels et répétés, ou pour des mérites liés au commandement répétés, et exceptionnels ». Au début de l’année 1945, il participe aux combats défensifs de la Wehrmacht, en Poméranie. Le 11 mars, la Croix de chevalier de la Croix de fer pour sa bravoure lui est décernée. A la tête de son unité, il défend le port d’Heiligenbeil Pillau qui est assiégé par les troupes soviétiques. Après la guerre, libéré de captivité, il achève ses études et entreprend une carrière de dentiste florissante (Williamson & Charita, 2008 ; Rouxel, 2011).


Le Dr Fritz Kracke ( ? -1943) est un dentiste civil avant sa mobilisation, marié et père de trois enfants. Très vite, il rejoint l’Afrika Korps commandée par le maréchal Rommel. Il y dirige une compagnie du 2ème bataillon du régiment de Panzer 69 de la 10ème Panzer-Division. Pendant cette campagne, il reçoit la Croix de fer de 2ème classe, puis de 1ère classe pour ses faits d’armes. Il est blessé à trois reprises. L’insigne des blessés lui a été par conséquent décerné. Il est mort en 1943, en Tunisie, où il est enterré. Il a été fait capitaine de la réserve à titre posthume (Williamson & Charita, 2008 ; Rouxel, 2011).


Il est sidérant de constater qu’aucun de ces hommes ne s’est illustré en soignant. Tous ont été récompensés pour leurs actes militaires consécutifs à un embrigadement idéologique indéniable. Aucun d’entre eux n’a été jugé, ni encore moins condamné pour des crimes de guerre contre l’Humanité. Néanmoins, si leurs actes sur les champs de batailles ont été exceptionnels, je me répète, il n’en demeure pas moins qu’ils ont été accomplis au service d’un régime totalitaire. Il convient donc de rester extrêmement prudent et circonspect quant à ceux-ci.


Références bibliographiques :

Cagerodcev Guenadij Ivanovic & Thom Achim, Medizin unterm Hakenkreuz, VEB Verlag und Gesunheit, Berlin, 1989.

Fischer Hubert, Der deutsche Sanitätsdienst 1921 – 1945, Biblio Verlag, Osnabrück, 1985.
Helgason Guomundur, « Top U-boat Aces – Otto Ites », in 
http://www.uboat.net, 1995-2001, pp. 1-4. 
http://en.wikipedia.org (a),
Helmut Bennemann, 2011, pp. 1-3.

http://en.wikipedia.org (b), Karl Brommann, 2010, pp. 1-3.

http://en.wikipedia.org (c), Otto Ites, 2011, pp. 1-2.

http://en.wikipedia.org (d), Walter Lange, 2011, pp. 1-2.

http://www.cieldegloire.com, Friedrich Brock, sans date, pp. 1-5.

http://www.luftwaffe.cz, Helmut Bennemann, sans date, pp. 1-2.

http://www.ritterkreuztraeger-1939-45.de, Ritterkreuzträger Gerd Pleiss, sans date, pp. 1-2.

Riaud Xavier, Les dentistes allemands sous le IIIème Reich, L’Harmattan (éd.), Collection médecine à travers les siècles, Paris, 2005.

Rouxel Franck, communication personnelle, Challans, 2011.

Schulz Wilhelm, Zur Organisation und Durchführung der zahnmedizinischen Versorgung durch die Waffen-SS in den Konzentrationslagern während der Zeit des Nationalsozialismus, Bonn, 1989, Dissertation.
Williamson Gordon & Charita Josef, The War Merit Cross, R. J. Bender Publishing, San Jose, USA, 2008.


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