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Prix Georges Villain d'histoire de l'art dentaire

Vaccin contre la grippe et Seconde Guerre mondiale

Par
Xavier Riaud

Attaché au laboratoire de Louis Martin de l’Institut Pasteur depuis 1912-1913, diplômé de la Faculté de médecine de Paris en 1913 après avoir soutenu une thèse sur la méningite, René Dujarric de la Rivière 1 (1885-1969) s’engage pendant la guerre et devient médecin d'ambulance au 45e régiment d'infanterie, médecin-chef de laboratoires cliniques, puis du laboratoire central de l'Armée. En 1918, confronté à l’hécatombe produite par la grippe espagnole plus meurtrière que le conflit lui-même, il parvient à filtrer le virus de la grippe prouvant ainsi son origine virale (Dujarric de la Rivière, 1936). Le premier virus grippal humain (type A) a été isolé en 1933, par Wilson Smith, Andrewes C.-H. & Laidlaw P. P. du National Institute for Medical Research de Londres, après injection de produit de prélèvement rhino-pharyngé au furet. Smith sera d’ailleurs contaminé par le virus de la grippe au cours de ses expériences. En 1935, le même parvient à propager le virus à des souris sensibilisés par l’anesthésie et chez des embryons de poulet (Berche, 2007).

Dès 1931, Ernest Goodpasture (1886-1960) réussit à cultiver de nombreux virus dans l’œuf de poule à l’état embryonnaire. En 1940, le virologue australien MacFarlane Burnett (1899-1985) réussit à cultiver le virus de la grippe dans la cavité amniotique de l’œuf de poule. En 1943, le virus est observé au microscope électronique pour la première fois (Berche, 2007). C’est ainsi que sont découverts les trois types de virus de la grippe (ABC) et de sous-virus, ce qui implique la création d’un vaccin avec un large spectre. Cette technique permet à Smith et Francis, de préparer aux Etats-Unis les premiers vaccins inactivés dont l’efficacité est encore douteuse. Mais, c’est Jonas Salk et Thomas Francis Jr. qui, encouragés par les autorités militaires américaines, ont préparé le premier vaccin efficace à grande échelle en purifiant et en inactivant le liquide allantoïque ensemencé. Ce vaccin a été injecté aux soldats du corps expéditionnaire américain en Europe en 1944-1945, afin d’éviter une possible contamination par la grippe sur le sol européen. Dans le même temps, le vaccin a été produit à grande échelle et commercialisé.


Seconde guerre Mondiale - Histoire de la médecine
US Army Camp Hospital n°45, Aix-les-Bains, France, 1918.
Malades atteints de la grippe espagnole.


En 1938, alors à l’université de New York, Thomas Francis Jr., diplômé de la Faculté de médecine de Yale en 1925, est professeur de bactériologie au New York University College of Medicine. En 1941, il est missionné par l’armée américaine et prend la direction de la commission d’études sur la grippe du Comité épidémiologique des Forces armées 2. L’entrée en guerre des USA va accélérer les impératifs de résultats dans ses recherches. L’hécatombe causée par l’épidémie de grippe espagnole de 1918 est toujours très présente dans les mémoires. 46 992 hommes de l’armée américaine sont morts de cette maladie pour 50 385 au combat, soit presque le même nombre. Le Service de médecine préventive de l’armée américaine est déterminée à ce que pareille catastrophe ne se reproduise pas. Le Comité épidémiologique de l’armée (AEB = Army Epidemiological Board) a été créé par le Service de médecine préventive de l’armée à cette fin. Composé de trois autres membres, c’est de cette structure dont Francis prend la direction. Ses membres ont été recrutés pour leur connaissance en la matière, mais aussi pour leur grande intégrité (Bayne-Jones, 1942). Francis comprend très vite que sa tâche est titanesque. Il a pour mission de protéger la plus grande force armée jamais rassemblée jusqu’alors par les Etats-Unis et de convaincre la Santé publique américaine de pratiquer une vaccination à l’échelon national. Sa tâche est colossale et la pression sur ses épaules est monumentale. Avec courage et grâce à des compétences bien réelles, notre homme relève le défi. L’urgence de la guerre va décupler la rapidité de ses recherches et la commercialisation du vaccin obtenu. Sa position lui confère aussi tous les droits pour tester l’efficacité d’éventuels vaccins. Aucun homme et aucune population n’ont jamais été soumis à de telles expérimentations aussi contrôlées. Des tests ont donc été réalisés, placés sous la haute autorité militaire, sur différentes populations. Des comparaisons ont été faites avec un échantillon d’individus non vaccinés. Les résultats de ces expériences conduites par la commission de recherches sur la grippe sont parus en 1943, dans sept articles (Commission on Influenza, 1945). Face à la diversité des souches, le vaccin a dû être adapté pour répondre au mieux aux besoins. Des adjuvants ont été ajoutés pour augmenter sa durée d’action. Les résultats ont permis d’aboutir à une durée d’efficacité d’une année. Après la guerre, la commission a publié une seconde séries d’articles sur ses travaux.

Cette même année, après trois années à l’université de New York, Francis est nommé professeur et chef du service d’épidémiologie de la toute nouvelle école de santé publique de l’université du Michigan, répondant ainsi à l’invitation du Dr Henry F. Vaughan, son doyen. Il y reste 28 ans. Ce département sera plus qu’un département de statistiques et d’épidémiologie. Il développera et explorera tous les aspects philosophiques de ces deux disciplines.

En 1941, Salk décide de suivre une formation post-doctorale de deux mois dans le laboratoire de Thomas Francis Jr. Subissant les quotas juifs de New York, Thomas Francis vient en aide à Salk en l’autorisant à venir dans son laboratoire. C’est son premier contact avec la virologie et Salk est emballé. Au cours de son séjour, Salk aurait isolé une souche du virus de la grippe et aurait contribué dans une large part à la création du vaccin. Une polémique a couru, concernant cette période. En 1942, Francis et divers chercheurs, dont Salk, auraient contaminé de nombreux malades mentaux de l’asile psychiatrique d’Ypsilanti du Michigan en leur insufflant la grippe directement dans leurs cavités nasales afin de tester l’efficacité du vaccin qu’ils leur injectaient après. A la suite de leur trouvaille, Salk part en 1947, à Pittsburgh, pour travailler dans son propre laboratoire. En 1955, poursuivant ses recherches en virologie et en épidémiologie, il découvrira le vaccin contre la poliomyélite.

En 1946, Thomas Francis Jr a reçu la médaille de la Liberté décernée par l’armée américaine. En 1947, il a reçu le Lasker Award pour ses recherches sur la grippe, de l’Association américaine de santé publique.


Dr René Dujarric de la Rivière (1885-1969) - Seconde guerre Mondiale - Histoire de la médecine
Dr René Dujarric de la Rivière (1885-1969).


Dr Jonas Salk (1914-1995) - Seconde guerre Mondiale - Histoire de la médecine
Dr Jonas Salk (1914-1995).


Pr Thomas Francis Jr. (1900-1969) - Seconde guerre Mondiale - Histoire de la médecine
Pr Thomas Francis Jr. (1900-1969).


Références bibliographiques :

Bayne-Jones, « Board for the Investigation and the Control of Influenza and other Epidemic Diseases in the Army », in U. S. Army Med. Dept. Bull., 1942; 64: 1-22.

Berche Patrick, Une histoire des microbes, John Libbey Eurotext (ed.), Surrey, UK, 2007, pp. 158-159.

Commission on Influenza, Board for the Investigation and Control of Influenza and other Epidemic Diseases in the Army, Office of the Surgeon General, U.S. Army, Am. Hyg., 1945; 42: l-105.

Dujarric de la Rivière René, Titres et travaux scientifiques du Dr René Dujarric de la Rivière , Paris, J.-B. Baillière & fils (éd.), 1936, 126 p. 

Paul J. R., « Thomas Francis Jr (1900-1969), a biographical memoir », in National Academy of Sciences, Washington D. C., USA, 1974, pp. 57-110.

1 Pendant la Seconde Guerre mondiale, il est à partir de 1939-1940 jusqu'en 1945, l'adjoint d'Alexis Carrel au Service des recherches scientifiques et techniques de l'Armée. Parallèlement, il est nommé secrétaire général de l'Institut Pasteur. Son directeur de l’époque, Jacques Tréfouël, le charge, en 1941, de transférer en France non occupée, la fabrication de vaccin contre le typhus exanthématique. C’est au château de Laroche-Beaulieu, près de sa ville natale, qu'il aménage un centre de production moderne et efficace. A la Libération, en 1945, il est promu sous directeur de l'Institut Pasteur, poste qu'il occupe jusqu'en 1958, et est élu membre de l'Académie de médecine, section hygiène, la même année (Dujarric de la Rivière, 1936).


2 Armed Forces Epidemiological Board.



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