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Prix Georges Villain d'histoire de l'art dentaire


Le Royal Canadian Dental Corps pendant la Seconde Guerre mondiale

Par
Xavier Riaud

 

Les premiers dentistes canadiens ont officié pendant la guerre des Boers (1899-1902). Le décret n° 98 du 2 juillet 1904 est signé sous la pression de l’Association dentaire canadienne et crée 18 postes de chirurgiens-dentistes au sein de l’armée. Ils ont alors le grade de lieutenant honoraire. Le 13 mai 1915, un nouveau texte, le n° 63, permet la création du Corps dentaire de l’armée canadienne. 30 officiers y travaillent aidés de 74 sous-officiers et militaires de rang. La même année, la première clinique dentaire est mise en place à Toronto. A la fin de la guerre, 223 officiers sont en exercice aidés de 459 sous-officiers et militaires de rang. Pendant la guerre, 2,2 millions de soins dentaires ont été effectués. 60 000 soldats sont démobilisés dans le mois qui suit la fin de la guerre. Un effort considérable du corps dentaire est fait pour remettre leur bouche en état. Puis, une fois la démobilisation consommée, le corps dentaire est dissous. Le 15 juin 1921, le corps dentaire de l’armée canadienne est reformé, mais, cette fois, en tant que milice active non permanente (Sans auteur, sans date ; Jackson, 1956 ; Becker et al., 2004).

Jusqu’en 1939, le corps dentaire ne dispose que de quelques dentistes militaires disséminés dans les unités du service de santé (Sans auteur, sans date ; Jackson, 1956). Cette organisation inefficace prend fin au moment où le Corps dentaire de l’armée canadienne est dissous et refondu en Corps dentaire canadien (CDC). Il est alors placé sous la haute autorité du directeur des services dentaires. Le tout nouveau CDC doit très vite s’adapter pour préparer les soldats fraîchement mobilisés au début de la Deuxième Guerre mondiale. En octobre 1941, un don de 1 750 $ permet d’acheter le premier des 184 véhicules de soins dentaires, des cliniques dentaires mobiles construites dans un camion de trois tonnes susceptibles de se déplacer partout sur le front en fonction des besoins. L’équipement et la mobilité du service font rapidement l’admiration de ceux des autres forces alliées (Sans auteur, sans date ; Jackson, 1956). Le premier détachement dentaire à servir en mer à bord d’un navire opérationnel est établi en 1943. L’été suivant, une équipe dentaire est transférée sur le navire hospitalier canadien Letitia lors d’un voyage vers Manille, son objectif et sa mission étant de soigner des prisonniers de guerre qui viennent d’être libérés. L’année suivante, un système de rotation des équipes est mis en place afin qu’un maximum de membres du personnel d’autres navires puissent exercer en haute mer (Sans auteur, sans date ; Jackson, 1956).

L’utilisation des fiches dentaires est régulièrement faite pour l’identification des victimes de guerre, à des fins judiciaires. Ce procédé, assez nouveau somme toute, prend de l’importance pendant la Deuxième Guerre mondiale. De nombreux corps ont été ainsi reconnus qui n’auraient pas pu l’être autrement. Des techniques judiciaires dentaires similaires sont également employées pour identifier les déserteurs et dans les cas d’enrôlements frauduleux. Lorsque les femmes sont enrôlées dans l’armée canadienne en 1941, des assistantes dentaires sont légitimement incorporées. Plusieurs centaines d’entre elles officient dans des cliniques au Canada, permettant aux assistants dentaires masculins de partir à l’étranger. Pendant toute la durée de la guerre, le CDC a déployé des services dentaires sur tout le territoire du Canada, dans le cadre du recrutement, de la démobilisation, au Royaume-Uni, dans le cadre du soutien à l’aviation royale canadienne, dans les camps d’entraînement de l’armée en Afrique du Nord, en Sicile et en Italie, dans le cadre du débarquement en Normandie, et, enfin, sur toute la surface nord-ouest de l’Europe. En 1944, dans la Feuille d’érable, le journal des forces armées, l’expérience du Corps dentaire pendant la Deuxième Guerre mondiale y est décrite brièvement : « Le Corps dentaire canadien n’a pas son pareil parmi les autres armées du monde pour ce qui a trait au personnel, à l’équipement et au fonctionnement. Ces professionnels et leurs assistants ont été mis à l’épreuve de Caen, à Vaucelles, en passant par Falaise, et pendant la longue marche à travers la France, la Belgique jusqu’en Hollande, et, enfin, au saillant de Nimègue. Ils ont prodigué les dernières nouveautés en soins dentaires aux combattants et ils savent ce que c’est que de travailler sous les tirs d’obus, et de mortier. Tout au long de la percée canadienne en Europe, ils ont traité leurs concitoyens, des Anglais, des Américains, des Tchèques, des Hollandais, des Belges, des Polonais, des civils et bien d’autres personnes. Ils ont fabriqué et réparé suffisamment de fausses dents pour une nation entière et ils ont entretenu bon nombre de dentiers pour mordre dans des biscuits de mer. Ils ont pris en charge les blessures dentaires, sur place ou par l’entremise des canaux médicaux, chacun d’entre eux possédant une bonne connaissance de la méthode chirurgicale de traitement des lésions faciales (Crawford, 2002). »

Des dentistes canadiens parviennent aussi à exercer en captivité et à donner le meilleur d’eux-mêmes, malgré une adversité extrêmement réticente. A l’Oflag VIIb où le capitaine Greenslade du service dentaire néo-zélandais, le capitaine Neal du service dentaire américain et le lieutenant Brick, un étudiant en dentaire canadien, travaillent, les Allemands rechignent à honorer leurs obligations. « Les Allemands refusent les soins dentaires aux prisonniers sauf si le matériel est fourni par la Croix-Rouge anglaise. Seulement, lorsque le matériel a effectivement été envoyé par cet organisme, ils ont continué de refuser que des soins soient délivrés aux prisonniers. Il y avait pourtant urgence. Après quatre mois, seulement 3 appareils ont été réparés sur les 12 présentés aux mécaniciens dentaires allemands. Le reste est revenu non réparé. Le 5 juin 1943, l’autorisation est donnée de faire des appareillages dentaires au camp. Le 18 juin, lors d’une visite d’inspection de l’officier médecin allemand, 53 officiers déclarent avoir besoin d’appareils complets. Beaucoup de prisonniers nécessitent des réparations d’appareils. Un certain nombre a besoin d’appareils partiels (Anson, 1960). »

À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le Corps dentaire de l’armée canadienne comprend plus de 5 000 membres, dont environ 2 500 sont à l’étranger. Son efficacité et son rendement au cours du conflit ont persuadé le gouvernement qu’il devait être conservé après la démobilisation (Sans auteur, sans date ; Jackson, 1956). Quatorze officiers et 19 prothésistes dentaires sont morts au front dans l’effort de guerre du Corps dentaire canadien (Sutherland, 2013).

En octobre 1946, l’armée est restructurée et le corps dentaire en fait partie intégrante pour la première fois. Il est composé de 88 dentistes militaires, 5 officiers non-dentistes et 147 sous-officiers. En 1947, le roi George VI accorde un brevet royal au Corps dentaire canadien pour services rendus. Ainsi, le CDC prend officiellement le nom de Corps dentaire royal canadien (CDRC). En octobre 1950, le CDRC s’allie avec le Royal Army Dental Corps britannique (Sans auteur, sans date ; Jackson, 1956). Son chef de 1939 à 1946 a été le brigadier Frank Melville Lott (Sans auteur, sans date).

Après la guerre, le CDRC rencontre un vrai désintéressement et est confronté à de vraies difficultés de recrutement. L’économie d’après-guerre se développant et le secteur civil étant très demandeur en soins dentaires, ce service ne comprend plus que 22 dentistes qui oeuvrent, pour l’essentiel, au quartier général. Aussi, cette structure décide-t-elle de mettre l’accent sur le recrutement des étudiants en dentaire. En 1948, un plan de financement des études dentaires est mis en place avec en contrepartie un engagement au sein du CDRC pour une durée déterminée. Cette mesure rencontre aussitôt un grand succès et en connaît toujours un aujourd’hui. A la fin des années 1940, les premiers dentistes militaires reçoivent une formation de 2ème et 3ème cycle, ce qui est la pierre angulaire de la spécialisation qui est devenue la leur (Protheroe, 1989).


Références bibliographiques :

Anson T.V., The New Zealand Dental services, Historical Publications Branch, Wellington, 1960, pp. 385-395.

Becker Scott et al., Service dentaire des Forces canadiennes – 100 ans de service, 2004.

Crawford Ralph, Association dentaire canadienne 1902-2002 – Un siècle de service : Dentisterie militaire, 5ème partie, 2002.

Jackson H. M., L’histoire du corps dentaire royal canadien, 1956.

Protheroe D. H., 40 ans de progrès : Corps dentaire royal canadien et Service dentaire des Forces canadiennes, 1989.

Sans auteur, Service des forces dentaires canadiennes. Introduction et historique, http://www.forces.gc.ca, sans date, pp. 1-42.

Sutherland Robert, « L’association dentaire canadienne et les Forces canadiennes : un lien qui perdure », in J. Can. Dent. Assoc., 2013 ; 79 : d21_f.




Histoire de la médecine - Insigne distinctif du Royal Canadian Dental Corps de 1939 à 1947.
Insigne distinctif du Royal Canadian Dental Corps de 1939 à 1947.



Histoire de la médecine - Clinique dentaire mobile du Royal Canadian Dental Corps aux alentours de 1942.
Clinique dentaire mobile du Royal Canadian Dental Corps aux alentours de 1942.



Histoire de la médecine - Clinique dentaire mobile du RCDC sur un pont flottant au-dessus du Rhin.
Clinique dentaire mobile du RCDC sur un pont flottant au-dessus du Rhin.



Histoire de la médecine - Premières assistantes dentaires pendant la Seconde Guerre mondiale au sein du RCDC.
Premières assistantes dentaires pendant la Seconde Guerre mondiale au sein du RCDC.


Histoire de la médecine - Soins dentaires sur le front pendant la Seconde Guerre mondiale.
Soins dentaires sur le front pendant la Seconde Guerre mondiale.


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