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René-Nicolas Dufriche, baron Desgenettes (1762-1837)

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René-Nicolas Dufriche, baron Desgenettes (1762-1837), médecin en chef de la Grande Armée

 

 

Par Xavier Riaud

René-Nicolas Dufriche Desgenettes - Histoire de la médecine par Xavier Riaud

René-Nicolas Dufriche Desgenettes (© BIUS).


Né à Alençon le 23 mai 1762, d’un père avocat et procureur au baillage d’Alençon, René Nicolas Dufriche grandit dans le domaine familial qui s’appelle « Les Genettes ». Il étudie au collège des Jésuites d’Alençon. En 1776, arrivé à Paris, il entre à la pension Sainte-Barbe et suit les cours au collège du Plessis (Teyssou, 2011). Les sciences naturelles le passionnent. Fort logiquement, une fois reçu maître ès-arts, il s’engage vers des études de médecine. Il débute dans les services hospitaliers de Pelletan et de l’anatomiste Vicq d’Azyr, secrétaire de la Société royale de médecine et Premier médecin de Marie-Antoinette. Il suit les cours de Fourcroy et de Desbois de Rochefort à La Charité. Il y fait la connaissance de Boyer et de Corvisart. En 1784, René-Nicolas décide de voyager grâce à l’héritage que lui a donné sa mère qui est morte en 1782. Alors qu’il est à Londres, il assiste au cours de Moore et de Hunter. En 1785, il part en Italie où il demeure quatre années. Il découvre Florence, Sienne où il étudie l’anatomie auprès du grand Mascagni, Rome et Naples enfin. En 1789, il vient soutenir à Montpellier, le 6 juillet (selon Gourdol, 2010), le 20 novembre (selon Teyssou, 2011), sa thèse, inspirée de ce dernier, intitulée Essai physiologique sur les vaisseaux lymphatiques. Il se lie étroitement avec Barthez. Il rejoint naturellement le laboratoire de Chaptal où il suit ses cours (Gourdol, 2010).

En 1791, il rejoint la capitale. Après la fuite de Varennes et l’arrestation de Louis XVI, Desgenettes adopte les idées girondines. Leurs adeptes sont envoyés à la guillotine par les Montagnards. Rescapé, le jeune médecin gagne Rouen où son ancien maître, Vicq d’Azyr, lui enjoint de s’engager dans l’armée. Ayant obtenu son brevet ordinaire de médecin le 21 février, parlant couramment l’italien, Dufriche est envoyé en Italie où il rejoint en mars 1793, l’hôpital ambulant de l’armée de la Méditerranée (http://fr.wikipedia.org, 2010).

Il est présent à Fréjus, Grasse, Antibes, Sospel, Orneilles et Nice. C’est au cours de cette campagne qu’il fait la rencontre du jeune Bonaparte qu’il aurait soigné de la gale. Ce dernier est émerveillé par les connaissances de Desgenettes. Il ne l’oubliera pas. Quelques années plus tard, Bonaparte fait nommer René-Nicolas, médecin en chef de l’armée d’Orient. Affecté auprès de Masséna, Desgenettes enraye une épidémie de typhus. Il fait étalage de tous ses talents et compétences. Atteint lui-même par la maladie, il survit par miracle. Le 13 janvier 1794, il s’occupe des malades de l’hôpital d’Antibes. Le 16 septembre, il dirige le service médical de la division de droite située à Loano. Nommé à Toulon à l’aube de l’année 1795, il lui incombe de structurer le service médical de l’expédition maritime chargée d’envahir la Corse, alors sous la coupe anglaise, voyage qui n’a jamais eu lieu (Gourdol, 2010).

De retour sur le sol français, appuyé par Bonaparte, soutenu par Barras, il est promu le 29 octobre 1795, médecin ordinaire de l’hôpital d’instruction militaire du Val-de-Grâce et de la 17ème division militaire de Paris. En 1796, Desgenettes devient professeur d’hygiène et de physique médicale à l’Ecole centrale de Santé de la capitale, future Faculté de médecine à partir de 1808. Il y rencontre Dominique Larrey. Mais, ces nominations le retirent de l’armée d’Italie et il ne participe pas à ses succès (Gourdol, 2010).

Associé à Bichat et à Larrey notamment, il crée la Société médicale d’émulation en 1796 également. Dans le journal de la Société médicale de Paris, il publie son mémoire resté célèbre, Les maladies qui ont régné à l’armée d’Italie (Teyssou, 2011).

De retour à Paris, après la paix de Campo-Formio, le 17 octobre 1797, Bonaparte demande que Desgenettes soit attaché à l’armée d’Angleterre. Le 11 janvier 1798, il se marie avec la fille de l’ancien inspecteur général des hôpitaux sous Louis XVI. Le 22 mars 1798, Desgenettes doit partir pour Toulon afin de se placer sous les ordres du général corse en qualité de médecin en chef. La même année, il prend la direction du service médical de l’armée d’Orient. Il installe des ambulances à bord de chaque navire et en transforme trois, aidé de Larrey, en bateaux hôpitaux. Son action est si exemplaire que Bonaparte lui demande de gagner le vaisseau amiral l’Orient (Ganière, 1988). Sur le sol des pharaons, les médecins doivent faire face à des pathologies déclenchées par un climat harassant, des bivouacs fréquents et l’absence d’eau potable. Desgenettes impose des mesures d’hygiène et de prophylaxie d’une sévérité extrême : hygiène corporelle, désinfection des locaux, surveillance de l’alimentation et nettoyage des vêtements. Toutes les pathologies tropicales sont rencontrées. Pendant la marche à travers le désert de Syrie, René-Nicolas est confronté à une épidémie de peste. Face au moral des troupes qui est au plus bas, Desgenettes refuse que le nom de cette maladie soit seulement prononcé et lui trouve d’autres qualificatifs comme « fièvre bubonneuse » ou encore « maladie des glandes » en remplacement. Pour démontrer que la peste n’est pas contagieuse, Desgenettes s’inocule sous la peau à l’aide d’une lancette une goutte de pus prélevé sur un moribond (Ganière, 1988). Par son courage, il est parvenu ainsi à redonner le moral aux soldats désabusés et décimés. Plus tard, Desgenettes démentira avoir jamais commis un tel geste sur un « moribond ». Il parlera d’un « convalescent de premier degré ».

Le 28 avril 1799, son nom entre dans l’histoire. Alors que Bonaparte doit lever le siège de Saint-Jean d’Acre, il demande aux médecins de procéder à l’évacuation des blessés. Ayant peur d’un massacre commis par les Turcs s’il les abandonne et d’une contamination des éléments de son armée s’il les emmène, le général aurait demandé à Desgenettes de procéder à l’euthanasie des pestiférés avec de l’opium (Ganière, 1988). Desgenettes refuse catégoriquement et se dresse contre le commandant en chef français de tout son poids. Bonaparte s’incline et tous les malades sont rapatriés sur Jaffa. Arrivé sur ce site, il laisse un détachement pour les garder. Toutefois, contraint d’abandonner la ville sous la pression ennemie, il aurait sollicité le pharmacien en chef de l’expédition, Claude Royer, afin qu’il administre aux mourants du laudanum pour abréger leurs souffrances. Au cours d’une réunion de l’Institut d’Egypte, le 29 juin 1799, l’animosité entre les deux hommes est palpable. Desgenettes n’adresse plus la parole au général jusqu’à son départ d’Egypte, le 22 août 1799. Le médecin officie au sein de l’armée de Kléber où il peut plus librement appliquer ses mesures d’hygiène et d’assainissement, puis de celle de Menou après l’assassinat du premier jusqu’en 1801 (Ganière, 1988). Devenu membre de l’Institut d’Egypte fondé en 1798, il écrit les tables de la revue La Décade égyptienne et y assure de nombreuses publications.

Alors Premier Consul, Bonaparte promeut Desgenettes, à son retour en France, en 1801, au rang de médecin en chef à l’hôpital militaire d’instruction de Strasbourg. Mais, fatigué par une campagne qui l’a marqué physiquement, il refuse et demande la possibilité de poursuivre son travail au Val-de-Grâce. Le 29 décembre 1801, Bonaparte approuve. En 1801 toujours, le médecin est nommé membre de l’Institut et membre associé des Sociétés de médecine de Marseille et de Montpellier. L’année suivante, il publie son Histoire médicale d’Orient qui fait grand bruit dans le monde scientifique, qu’il dédie au général Kléber notamment (Gourdol, 2010). Fervent partisan de la vaccination antivariolique, cette même année, il vaccine son fils sur le front des troupes (Lemaire, 2003).

Le 18 mai 1804, l’Empire est proclamé. Le lendemain, Desgenettes est fait membre de la Légion d’honneur et le 14 juin, il devient inspecteur général du service de santé des armées au même titre que Larrey, Percy et Heurteloup (http://fr.wikipedia.org, 2010).

Il part en Espagne avec une commission de médecins nommés par l’Empereur avec pour mission d’étudier l’épidémie de fièvre jaune qui y sévit. Il y est également chargé de la surveillance de la pharmacie. En 1806, René-Nicolas regagne le Val-de-Grâce qu’il a pour mission de réformer, Coste étant revenu à la tête du service de santé de la Grande Armée. Le 6 avril 1807, Desgenettes devient médecin en chef de la Grande Armée sur ordre de Napoléon. Ainsi, il est présent aux batailles d’Eylau (1807), de Friedland (1807) et de Wagram (1809). En 1808, il voyage avec l’Empereur en Espagne où la situation est jugée des plus inquiétantes. Le 29 septembre 1809, il est fait chevalier par lettres patentes et le 31 janvier 1810, baron de l’Empire par nouvelles lettres (Lemaire, 2003 ; Gourdol, 2010).

Pendant la campagne de Russie, il est de tous les affrontements. Son abnégation et son dévouement envers ses patients sont devenus légendaires. Le 10 décembre 1812, il est capturé à Vilna lorsque les troupes françaises font retraite. Au simple énoncé de son nom, le tsar Alexandre III le libère. En remerciement pour ses bons soins délivrés aux soldats russes, le médecin est raccompagné le 20 mars 1813, aux avant-postes français par la Garde de Cosaques. Pour le vol de ses effets personnels, le tsar lui fait parvenir 10 000 roubles pour se dédouaner.

Médecin en chef de la Garde impériale pendant la campagne d’Allemagne, il n’apprend sa nomination qu’en 1814, à son retour en France. En 1813, les soldats français sont vaincus à Leipzig. Desgenettes, quant à lui, est enfermé dans la citadelle de Torgau où il doit faire face à une épidémie de typhus qui tue 13 448 hommes sans combattre sur les 25 000 de la garnison (Meylemans, 2010). Après la capitulation de la place, il est fait prisonnier à Dresde et ne rentre en France qu’à l’orée des Cent-Jours.

Après l’abdication de Napoléon, de retour à la tête du pays, Louis XVIII démet Desgenettes de ses fonctions militaires. Toutefois, ses prérogatives au Val-de-Grâce et à la Faculté sont maintenues.

Pendant les Cent-Jours, il rejoint naturellement l’Empereur de retour de l’île d’Elbe. Sa place de médecin de la Garde impériale lui est restituée fort logiquement et il la conserve jusqu’à Waterloo, le 18 juin 1815 (Ganière, 1988).

A la capitulation de Napoléon, Louis XVIII revient au pouvoir, mais le nom de Desgenettes est devenu mythique, tout comme celui de Larrey pour ne citer que lui. Le nouveau roi de France maintient donc le médecin dans les fonctions qui étaient les siennes sous la Première Restauration, mais l’autorise à rejoindre le Conseil général de santé des armées en 1819. Commandeur de la Légion d’honneur, il participe à la fondation de l’Académie royale de médecine qu’il intègre en 1820. En 1822, il est révoqué pour avoir lancé un appel à la tolérance suite à des manifestations étudiantes. Il vient d’avoir la responsabilité de désigner les médecins devant rejoindre l’Empereur à Sainte-Hélène. Hélas, ce dernier vient de mourir (Gourdol, 2010).

Après l’abdication de Charles X en 1830, il est rétabli dans ses titres et fonctions par Louis-Philippe. En 1832, il est élu membre de l’Académie des sciences. La même année, le 2 mars, il devient médecin en chef des Invalides où il meurt en 1837, le 3 février exactement, suite à une attaque d’apoplexie. Une première attaque l’avait rendu infirme en 1834.

Maire du Xème arrondissement (actuel 7ème) de Paris en 1830, il occupe cette fonction jusqu’en 1834. Son nom est donné à l’hôpital militaire de Lyon. Ses mémoires sont publiées en 1836.

Son nom figure sur l’Arc de Triomphe de l’Etoile. Il a été oublié par la commission en charge d’établir une liste de noms dignes d’y figurer. Percy et Larrey y sont quant à eux. Mais, sa fille, la baronne Sordeval, obtient réparation le 13 novembre 1841. Il apparaît sur la 29ème colonne du pilier sud (Bouchon L. A. & Grau D., 2008-2010). Les postes de la République ont émis en 1972, un timbre de 0,30 francs à son effigie (Bouchon L. A. & Grau D., 2008-2010).

Alexandre Dumas le qualifie de « vieux paillard très spirituel et très cynique ». Indépendant d’esprit, franc à l’extrême et doué d’une grande liberté de parole, Bonaparte le juge « trop bavard ».


Publications :

Souvenirs d'un médecin de l'expédition d'Égypte, 1893 ;

Souvenirs de la fin du XVIIIe siècle et du commencement du XIXe, ou Mémoires de R. D. G., 1836 ;
Examen de quelques idées du maréchal de Saxe sur la santé des troupes, 1829 ;
Remarques sur les institutions militaires de Végéce et Notice sur un opuscule rare relatif à Linné, 1828 ;

Ext. du Journ. Compl. du Dictionnaire des Sciences Médicales, Extrait du Mémoire de H. Fouquet sur l’utilité des bains de terre dans la phthisier, 1827 ;

Mélanges de médecine : Recueil factice formé par l'auteur sous ce titre. I-III, 1827-1829 ;

Essais de biographie et bibliographie médicales, 1825 ;
Éloge de M. Hallé : prononcé le 18 novembre 1822, devant la faculté de médecine de Paris, 1822 ;

Fragmens de médecine militaire, 1820 ;
Notice sur Benjamin Rusch, 1814 ;
Histoire médicale du siège de Torgau, en Saxe ou Rapports adressés a M. le Baron Des Genettes par le chevalier Masnou, 1814 ;
Eloges des académiciens de Montpellier, 1811 ;
Inspection des dépôts de prisonniers de guerre autrichiens dans les départements de l'Yonne, Saône-&-Loire, de la Côte-d'Or, de la Haute-Marne, de l'Aube et de la Marne en 1806, 1806 ;
Formulaire pharmaceutique à l'usage des hôpitaux militaires, 1804 ;

Histoire médicale de l'armée d'Orient, 1802 ;
Résultat général et comparatif des tables nécrologiques du Kaire, l'an VII et VIII, 1800 ;
Avis sur la petite vérole régnante, adressé au Divan du Kaire, 1800 ;

Lettre de M. Des Genettes, à M. Cuvier et Michaelis Girardi... Prolusio de origine nervi intercostalis... edidi curavit Renatus Des Genettes, 1792 (http://cths.fr, 2010).


Références bibliographiques :

Bibliothèque interuniversitaire de Santé (BIUS), communication personnelle, Paris, 2010.

Bouchon L. A. & Grau D., « René-Nicolas Dufriche, baron Desgenettes, baron de l’Empire, commandeur de la Légion d’honneur », in http://www.napoleon-empire.net, 2008-2010, pp. 1-4.

Fabre André, Haschisch, chanvre et cannabis : l’éternel retour, L’Harmattan (éd.), Collection Médecine à travers les siècles, Paris, 2011.

Ganière Paul, « Desgenettes, René-Nicolas (1762-1837), médecin », in Revue du Souvenir Napoléonien, http://www.napoleon.org, Fondation Napoléon, 1988, pp. 47-48.

Gourdol Jean-Yves, « René-Nicolas Dufriche baron Desgenettes (1762-1837), médecin français de la Grande Armée », in http://www.medarus.org, 2010, pp. 1-6.

http://cths.fr, « Desgenettes René Nicolas Dufriche, baron », in Sociétés savantes de France, 2010, pp. 1-2.

http://fr.wikipedia.org, René-Nicolas Dufriche Desgenettes, 2010, pp. 1-5.

Lemaire Jean-François, Napoléon et la médecine, François Bourin (éd.), Paris, 1992.

Lemaire Jean-François, Les blessés dans les armées napoléoniennes, Lettrage distribution, Paris, 1999.

Lemaire Jean-François, La médecine napoléonienne, Nouveau Monde/Fondation Napoléon (éd.), Paris, 2003.

Meylemans R., « Les maladies de l’Empire », in Ambulance 1809 de la Garde impériale, http://ambulance1809-gardeimperiale.ibelgique.com, 2010, pp. 1-6.

Riaud X. & Yactayo S., « Dysenterie et armées : un fléau séculaire », in Forum Histoire – Passion Histoire, http://www.passion-histoire.net, 01/07/2010, pp. 1-9.

Riaud X., « Epidémies et campagne de Russie de 1812 », in The International Napoleonic Society, Montréal, 12/07/2010, http://www.napoleonicsociety.com, pp. 1-3.

Teyssou Roger, L’aigle et le caducée, L’Harmattan (éd.), Collection Acteurs de la Science, Paris, 2011.

 

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