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Georges Cadoudal (1771-1804)

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Georges Cadoudal (1771-1804), les dernières pérégrinations médico-dentaires d'un rebelle condamné à mort

 

 

Par Xavier Riaud

Georges Cadoudal (1771-1804), les dernières pérégrinations médico-dentaires d'un rebelle condamné à mort - Aricle de Xavier Riaud - Histoire de la médecine
Georges Cadoudal

 


Georges Cadoudal est né le 1 er janvier 1771, dans la ferme familiale de Kerléano-en-Brech, près d'Auray, où son père était meunier. Après des études au collège Saint-Yves de Vannes, il devient clerc de notaire, non sans avoir envisagé une carrière dans la marine ou le sacerdoce dans les ordres.

Le 6 Ventôse an I (24 février 1793), un mois à peine après l'exécution de Louis XVI, la Convention décrète la levée de 300 000 hommes. Comme de nombreux hommes du « Grand Ouest », Cadoudal refuse catégoriquement la conscription et la loi imposée par les révolutionnaires parisiens.

Dès l'apparition de la chouannerie, il décide immédiatement de s'engager dans l'armée dirigée par le marquis de Bonchamps dans laquelle il se fait remarquer tant par sa force physique prodigieuse que par sa culture générale étendue et son intelligence tactique. Il ne tarde pas à être promu chef d'escadron dans l'armée insurgée. Le 19 mars, la peine de mort est décrétée par la Convention pour tous les insurgés ( http://fr.wikipedia.org, 1998).

Lors de la défaite des armées vendéennes à Savenay, le 3 Nivôse an II (23 décembre 1793), alors capitaine de cavalerie de la Grande Armée Catholique et Royale, il échappe au désastre et se replie en Bretagne pour organiser la résistance royaliste face aux armées républicaines dans le Morbihan. Il est arrêté une première fois et emprisonné à Brest. Parvenu à s'évader, il rejoint les troupes insurgées du Morbihan, commandées par Sébastien de La Haye de Silz, et est promu chef de légion. De retour en Bretagne, il coordonne la résistance aux Bleus et organise une insurrection à Brest. Il est arrêté le 30 juin 1794 avec sa famille ; sa mère meurt lors de cette détention. Le 27 juillet 1794, il entre dans la clandestinité. Il est blessé lors d'un combat survenu à Florange.

En 1795, Cadoudal est responsable des chouans du Morbihan en lutte contre les républicains, mais tient à garder son indépendance à l'égard du comte de Joseph de Puisaye, qui veut prendre le commandement de toute la chouannerie. Au printemps 1795, il s'oppose avec force aux conventions de paix signées entre les armées royalistes et républicaines à La Jaunaye et à La Prévalaye, et il continue la guerre en dépit de la paix signée à La Mabilais, le 23 avril 1795.

Le 23 juin, quatorze mille chouans se rassemblent près de Quiberon et le 26, c'est le débarquement en baie de Carnac de quatre mille émigrés, soutenus par les Britanniques. À Vannes, ils se heurtent à Hoche et doivent se replier sur la presqu’île de Quiberon, où ils sont assiégés. Le 21 juillet, ils capitulent et 748 d'entre eux sont fusillés.

Cadoudal est nommé major général du Morbihan. Le 16 août 1795, il unifie l'armée des Chouans et les troupes des émigrés qui ont échappé au piège de Quiberon. Ils reprennent Sarzeau, le 19 décembre, Locminé, le 7 avril 1796, mais, en infériorité numérique, il doit se soumettre à Hoche, le 16 juin 1796. Le 22, la paix est conclue mettant fin à la guerre civile dans l’ouest. Bien qu'ayant signé cette paix précaire, le rebelle se consacre parallèlement à une réorganisation complète de la chouannerie bretonne, ainsi qu'à une pacification civile par l'élimination des bandes armées incontrôlables. Il poursuit son action sur le terrain politique et maintient les contacts avec les autres responsables de la contre-révolution ( http://fr.wikipedia.org, 1998).

Avec le coup d’Etat du 18 Fructidor an V (4 septembre 1797), la politique du Directoire réactive la chouannerie et les mouvements contre-révolutionnaires avec l’aide financière et matérielle de la Grande-Bretagne. Cadoudal est maître de la Bretagne occidentale et réceptionne des armes venues de la Grande-Bretagne. En 1798, Louis XVIII lui confie officiellement le commandement en Bretagne. Activement recherché par les Bleus, il demeure insaisissable, bénéficiant d'un réseau efficace et de caches introuvables. Il refait apparition le 17 avril 1799, en s'emparant de Sarzeau et il manque de peu de s'emparer de Vannes, en août 1799. Son action est stoppée par le coup d'Etat du 18 brumaire An VIII (9 novembre 1799).

Contrairement à de nombreux chefs chouans qui ont décidé de composer avec le nouveau régime, Cadoudal se refuse au moindre compromis et multiplie les actions armées durant l'automne et l'hiver 1799-1800, jusqu'à une nouvelle défaite survenue au Pont du Loc’h, qui le contraint, le 14 février 1800, au château de Beauregard, à Saint-Avé (Morbihan), à signer une convention de paix avec le général Brune, prélude à une éventuelle réconciliation avec le régime. À cet effet, Bonaparte, Premier consul, le convoque à Paris, quelques semaines plus tard, lui offrant la grâce et un grade de général en échange de sa reddition, lors d'une entrevue qui est qualifiée de « houleuse » (Huchet, 1998).

De Bonaparte sur Georges : « L'exagération de ses principes prend sa source dans les nobles sentiments qui doivent lui donner beaucoup d'influence sur les siens. Il faudra pourtant en finir. »

De Georges sur Bonaparte : « Quelle envie j'avais d'étouffer ce petit homme dans mes bras. »

Cadoudal refuse toutes les propositions de Bonaparte et passe clandestinement en Grande-Bretagne, où se trouve le comte d’Artois, frère de Louis XVIII, qui lui confère le titre de Lieutenant général des armées du Roi (G.B., 2003).

Il est en Bretagne lorsque survient la conspiration de la machine infernale visant à l'assassinat du Premier consul. Le 24 décembre 1800, une bombe artisanale explose rue Saint-Nicaise à Paris (Bernet, 2000). Napoléon et Joséphine, qui se rendaient à l’opéra, échappent de peu à l’attentat. Mais, 22 personnes meurent et 56 sont grièvement blessés. Bonaparte ordonne à Fouché, ministre de la Police depuis le 20 juillet 1799, d’enquêter et de trouver les coupables. L’émoi est général. En effet, une petite fille de 14 ans est décédée alors qu’elle surveillait le cheval tirant la « machine infernale ». Fouché ne dispose pas de beaucoup d’éléments. Il a l’idée originale de faire dresser un portrait-robot… du cheval qu’il remet à ses agents avec pour mission de prospecter auprès des palefreniers de la ville de Paris. Très vite, grâce à ce croquis, ils parviennent à déterminer que le cheval et la charrette ont été achetés au citoyen Lambel, marchand grainier, demeurant à Paris, rue Meslée. Ce dernier leur décrit très précisément l’acheteur. Par recoupements, Fouché conclut au complot royaliste et parvient à arrêter trois des quatre responsables de l’attentat. Cet évènement a donné lieu à ce que la Police française considère aujourd’hui comme sa première enquête scientifique. La police scientifique française venait de voir le jour (Doucet, sans date ; Riaud, 2009).

Pour le futur empereur, il ne fait aucun doute que cet attentat a été fomenté par Georges Cadoudal, commandant en chef de la chouannerie en Bretagne. Dès lors, la propagande napoléonienne n’aura de cesse de discréditer Georges Cadoudal. Chaque jour, le futur empereur multiplie les notes de service auprès de Fouché, son ministre de la police. « Je veux la tête de Georges », « Qu’on me capture Georges mort ou vif ».

Fouché envoie des empoisonneurs et des faux-chouans, mais vrais républicains, pour essayer de tuer le chef des insurgés. Sans succès. Et pourtant, Cadoudal n’est pour rien dans ce complot meurtrier. Il n’est pas à Paris quand l’explosion survient. De plus, il souhaitait enlever Napoléon pour l’emmener en Angleterre et l’y faire juger. Il ne voulait pas l’assassiner. Ce sont des subalternes royalistes qui ont outrepassé ses ordres.

Encerclé par le général Brune, Cadoudal fait sa soumission au Premier Consul qui lui propose un commandement dans l'ouest au grade de général et une rente. Georges refuse. Une lutte à mort entre les deux hommes s’engage alors.

En 1803, Cadoudal a émigré en Angleterre. Il revient en France pour mettre en place le « coup essentiel » qui consiste à s’emparer de Bonaparte et à l’emmener en Angleterre pour y être jugé. C’est un échec et Cadoudal n’y survivra pas. Mais, à Hastings, « au moment de mettre la voile (pour gagner la France), ce dernier (Cadoudal) fut atteint d’un mal de dents qui le faisait horriblement souffrir. Ses amis l’engagèrent à se délivrer de la dent malade, à ne pas partir dans cet état au moment où il avait besoin d’être assuré de toute sa liberté d’esprit. Or, Georges craignait de se faire arracher une dent. Pour le décider, ses amis durent employer toutes leurs instances. Un dentiste fut appelé ; le costume râpé dont il était revêtu ne donnait pas une haute idée de son talent d’opérateur. Georges livra avec répugnance sa bouche au dentiste, qui lui enleva sa dent du premier coup avec une grande dextérité. Le patient fut si content qu’il voulut le payer royalement. – « Donne-lui vingt-cinq guinées », dit-il à Joyaut, son trésorier. Joyaut trouva cette largesse excessive et crut que l’opérateur serait payé d’une façon assez princière avec cinq guinées qu’il lui remit. Effectivement, le dentiste n’avait jamais eu affaire à un client aussi magnifique, et il revint bientôt tout habillé de neuf pour remercier le généreux Français (De Cadoudal, 1887). »

Alors que le Breton est à Paris, son réseau de sympathies royalistes est démantelé. Napoléon sait que Georges est là, à portée de la main. Il renforce les contrôles policiers dans les rues. La traque commence. Le 29 février, en fin de journée, Georges Cadoudal se risque dehors… Les rues grouillent de policiers. A un carrefour, il y a un barrage avec contrôle d’identité. De l’autre côté de la rue, s’ouvre une ruelle obscure et crasseuse. Cadoudal se dirige vers cette venelle, ce qui attire l’attention des agents en faction. Il s’agit d’une voie sans issue, ouvrant sur une cour avec, au fond, une maison, et sur la porte d’entrée une plaque portant l’inscription : Guilbart, dentiste. Le Chouan n’a peur de rien. Il éprouve pourtant une peur terrible des dentistes. Malgré tout, sous le nez des policiers, Georges sonne à la porte et, se tenant la mâchoire d’un air douloureux, gémit à l’intention de la servante : « Est-ce que M.Guilbart pourrait me recevoir ? » Ce dernier s’apprête à se mettre au lit. Mais, charitable, il accepte. Le rebelle en est réduit à se faire arracher une dent qui, pour une fois ne le fait pas souffrir. Convaincus d’avoir suivi un innocent patient, les inspecteurs s’en vont. Le docteur Guilbart a compris. Il a très bien vu sous le manteau de son client une paire de pistolets, comme il a remarqué le manège dans la cour… Mais, il se taira (Bernet, 2000).

La dernière arrestation de Georges Cadoudal, le 25 mars 1804, est très mouvementée, donnant lieu à une véritable course-poursuite dans les rues de la capitale. Tandis que le général Pichegru est étranglé dans sa cellule le 6 avril, le procès a lieu sans heurt et aboutit, le 10 juin, à la condamnation à mort de Cadoudal et à une peine de deux ans de prison pour le général Moreau, qui est rapidement exilé. En l'absence de tout élément tangible, il ne semble pas qu'il faille accorder de crédit aux rumeurs selon lesquelles la dénonciation du complot émanerait du général Moreau, qui aurait refusé de suivre les conjurés dans leur entreprise.

Georges Cadoudal refuse farouchement, par principe, toute idée de demande de grâce, alors que tout laisse à penser que Bonaparte était en fait demandeur en la matière. En premier, à sa demande pour que ses camarades constatent son exécution, le général chouan est guillotiné le 25 juin 1804.

Son corps sert aux étudiants de la faculté de médecine. Le Premier consul qui a espéré jusqu'au bout un revirement dans l’attitude de Cadoudal, a conservé envers lui un certain ressentiment. Pour cette raison, il ne s'est jamais opposé à ce que les restes du conspirateur, au lieu d'être ensevelis, soient récupérés à des fins médicales. Après sa mort donc, le cadavre de Cadoudal est porté à l’amphithéâtre de l’Hôtel Dieu pour dissection (Chiappe, 1971). Larrey, inspecteur général du service de santé, qui passe par là, admire la particularité « d’une tête effroyable par la grosseur » et la constitution robuste du supplicié. Après quoi, il ordonne de dépouiller le squelette afin de le préparer pour l’instruction des étudiants. Pendant près de dix ans, ce qui reste de Georges s’est balancé à une potence, utilisé par Larrey pour ses démonstrations d’ostéologie. Ce dernier a remis le crâne à Franz Joseph Gall (1758-1828), le célèbre anatomiste. Des années plus tard, Larrey finit par restituer le corps à trois officiers du défunt venus le réclamer (Chiappe, 1971). Aujourd’hui, les restes du général chouan reposent à Kerléano, son village natal, où un mausolée a été érigé en son hommage.

 

 

 

Références bibliographiques  :

Bernet Anne, Histoire générale de la Chouannerie, Perrin (éd.), Paris, 2000.

Chiappe Jean-François, Georges Cadoudal ou la liberté, Perrin (éd.), Paris, 1971.

De Cadoudal Georges, Georges Cadoudal et la chouannerie, Plon (éd.), 1887.

G.B., «  Les héros de la Contre-Révolution, Georges Cadoudal (1771-1804) », inbousculade.free.fr/histoire/revfrancaise/cadoudal.php - 39k -, Paris, 14/04/2003, pp. 1-3.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Cadoudal , Georges Cadoudal, pp. 1-4.

Huchet Patrick, Georges Cadoudal et les chouans, Ouest-France (éd.), Rennes, 1998.

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