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Bonaparte, fondateur de l'Institut d'Egypte

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Bonaparte, fondateur de l'Institut d'Egypte

 

 

Par Xavier Riaud

Bonaparte, fondateur de l’Institut d’Egypte - Xavier Riaud - Histoire de la médecine

Cet article n’a pour but que de dresser un bref historique de l’Institut d’Egypte et d’en faire percevoir l’utilité sur un plan strictement médical.

En 1798, Bonaparte embarque à Toulon pour une expédition sur le sol des pharaons. Accompagné d’un corps d’armée d’élite, il s’est entouré aussi d’une équipe de scientifiques de très grand renom. Toutes les disciplines y sont représentées pour véhiculer la connaissance européenne en Egypte et faire comprendre cette culture aux Français. Jamais auparavant une expédition militaire n’avait été entourée d’un aussi grand nombre d’éminents intellectuels. Il demande à Antoine Dubois (1756-1837), professeur de clinique chirurgicale à l’Ecole de santé de Paris depuis 1796, de diriger l’équipe médicale. Il commande alors aux 108 officiers de santé de l’expédition. Le 18 avril, le médecin embarque à Toulon, dans le navire-amiral l’Orient. Le 2 juillet 1798, le corps expéditionnaire débarque à Alexandrie. Après la prise du Caire, Bonaparte réunit six sommités les plus importantes dont Desgenettes et Monge, son futur président, le 20 août, afin qu’ils définissent le règlement interne et les membres qui siégeront dans cette institution.

Le 20 août, le décret émis par Bonaparte paraît : « Il y aura en Egypte, un Institut pour les sciences et les arts, lequel sera établi au Caire. Cet établissement aura principalement pour objet :

1/ le progrès et la propagation des lumière en Egypte ;

2/ la recherche, l’étude et la publication des faits naturels, industriels et historiques de l’Egypte ;

3/ de donner son avis sur les différentes questions pour lesquelles il sera consulté par le gouvernement. »

Le général officialise la création de l’Institut d’Egypte, le 22 août. Cette institution est bâtie comme l’Institut de France avec laquelle elle entretient une correspondance étroite, certains de ses membres appartenant aux deux. L’Institut de France d’ailleurs a publié les premiers procès-verbaux de son homologue égyptienne (Vercoutter, 1987). C’est une académie qui comprend 4 sections (Mathématiques ; Physique et histoire naturelle ; Economie politique ; Littérature et Beaux-Arts) et aurait dû compter 12 membres par section (Beaucour, 1970). Très vite, le nombre de ses membres ne dépasse pas 36. Bonaparte, son vice-président, intègre Dubois à la section de physique et histoire naturelle dès le 22 août (Ganière, 1988). Dubois, malade, quitte l’Egypte en 1799. Après, cette section ne comprend que 5 membres (Berthollet, Dolomieu, Desgenettes, Conté, Geoffroy Saint-Hilaire) et n’a jamais dépassé le nombre de 10 membres. Larrey n’y siège pas à sa fondation, mais cela ne l’empêche pas de commencer une collection de crânes à des fins anatomiques. La première séance est placée sous la présidence de Gaspard Monge, le 23 août. Sa dernière, la 62 ème, se tient le 22 mars 1801 ( http://fr.wikipedia.org (b), 2010). L’Institut d’Egypte est installé dans le palais de Qassim Bey, dans les faubourgs du Caire, situé à seulement 2 km du quartier général (Gallo, 1998). Le registre des séances est ramené en France par son Secrétaire perpétuel, en 1801, et est égaré en 1807 (Vercoutter, 1987). Au début de chaque séance, les membres présents nommaient des commissions, les unes pour répondre aux questions de Bonaparte et les autres, pour rédiger des rapports sur les mémoires lus en séance (Vercoutter, 1987).

L’objectif de cet Institut est de recueillir des informations sur l’Egypte et sa civilisation, mais dès la première réunion, le général français demande à ces membres d’étudier tous les moyens possibles pour améliorer la vie des troupes en Egypte. En fait, il pose 6 questions et les commissions, à peine formées, se sont mises au travail de suite (Beaucour, 1970). Les médecins de la section de physique et de science naturelle débattent, cherchent et émettent des mémoires faisant la synthèse de leurs trouvailles. Les sujets portent notamment sur l’hygiène, l’alimentation ou les épidémies. Ainsi, en est-il de Larrey qui publie plusieurs traités qui établissent sa réputation scientifique jusqu’en France où ses travaux sont reconnus (Marchioni, 2003). Les médecins communiquent devant leurs autres collègues de l’Institut qui devient un vrai organisme de recherches, mais aussi de débats et de discussions. Il y a une séance de 7 h00 à 9 h00 tous les jours et deux fois par mois en fin d’après-midi (Vercoutter, 1987). A la séance du 26 Fructidor an VI, Desgenettes effectue une lecture sur des maladies ayant une étiologie proche de la peste, pourtant distinctes de cette dernière. Les travaux, ou procès-verbaux de séance, sont publiés dans une revue scientifique, La Décade égyptienne (Beaucour, 1970). Desgenettes est président de séance et le rédacteur en chef de ce journal (Marchioni, 2003 & Ducoulombier, 2004). Ainsi, Larrey et Desgenettes font-ils paraître des circulaires d’informations sur l’hygiène, la prophylaxie et la thérapeutique aux officiers de santé de l’armée française, qui sont tirées à plusieurs centaines d’exemplaires par l’imprimerie nationale du Caire sous la direction de Jean-Joseph Marcel en quelques heures. Ces documents sont ensuite acheminés dans les deltas par courriers postaux (Marchioni, 2003 ; Ducoulombier, 2004 & Riaud, 2010). D’ailleurs, Larrey est élu au sein de l’Institut, le 4 juillet 1799, dans la section de physique. Dans la même année, il publie son mémoire de 38 pages intitulé Mémoire sur le tétanos traumatique consécutif à l’observation des blessures engendrées par les projectiles turcs, qui fait grand bruit. En 1798, sans en être membre, il avait fait paraître son Mémoire sur l’ophtalmie endémique en Egypte qui avait déjà été consacré (Marchioni, 2003). En 1800, c’est autour du Mémoire sur la fièvre jaune, considérée comme complication des plaies d’arme à feu de paraître. Suivent de hepatitis et L’atrophie des testicules. En 1801, il autopsie le corps de l’assassin de Kléber, l’embaume et le fait exposer au Musée d’histoire naturelle (Marchioni, 2003). Il aurait embaumé le corps de Kléber également. Desgenettes, quant à lui, dresse une Topographie physique et médicale de l’Egypte, un Avis sur la petite vérole, communique sur l’Ophtalmie régnante ou sur la Salubrité de l’Egypte. Il établit avec exactitude les statistiques nécrologiques de la ville du Caire. Ses études sont regroupées dans les Opuscules du citoyen Desgenettes, médecin en chef de l’armée d’Orient qui sont publiées en 1799-1800 par l’imprimerie nationale. Dans le tome 1 de la Décade égyptienne, il publie notamment un « Rapport sur le Môristan ou hôpital du Kaire » (p. 275) (Ducoulombier, 2004 ; Viel & Fournier, 1999). Cette section de physique et science naturelle, de même que les autres, est donc florissante et prolifique en recherches, collections et publications. Tous ses membres travaillent constamment au service du savoir et de la connaissance.

Dans le palais, sont aménagés une bibliothèque, un laboratoire de chimie, un cabinet de physique, un jardin d’essai, etc (Beaucour, 1970).

Lors de l’insurrection du Caire, les savants prennent les armes pour défendre l’Institut et se joignent aux troupes de Bonaparte pour réprimer l’insurrection. Certains savants y perdent la vie. Il en est de même au cours de l’expédition en Syrie. De retour au Caire, Bonaparte demande à l’Institut d’étudier la peste qui a sévit à Jaffa et à St Jean d’Acre (Beaucour, 1970).

Lorsque Bonaparte quitte l’Afrique, l’Institut est en plein désarroi, encore plus lorsque le général Kléber, qui lui était très favorable, est assassiné. Menou, qui lui succède, même s’il est bien intentionné, est très maladroit. Pourtant, il réorganise la bibliothèque et le cabinet de physique (Beaucour, 1970). En février 1801, ayant appris que la Décade égyptienne était imprimée aux frais de Jean-Joseph Marcel, Menou demande qu’elle soit désormais imprimée aux frais du gouvernement et qu’elle devienne le recueil des seuls travaux de l’Institut. Desgenettes, par cette mesure, s’est senti offusqué et a donné sa démission. Mais, après explications avec Menou, il l’a retirée (Ducoulombier, 2004). L’Institut a, dans son ensemble, approuvé cette mesure qui la hissait au rang des principales académies d’Europe (Noirot, 1998). Lors de la reddition, Menou parvient à négocier avec les Anglais, la conservation des archives, mémoires et collections amassées en Egypte, qu’il ramène en France (Beaucour, 1970). Larrey, notamment, conserve ses notes qu’il destine à publications dès son retour en France et ses collections de crânes, et de momies (Marchioni, 2003). Menou a été salué globalement par les savants comme un des généraux qui a facilité et encouragé leurs activités respectives (Noirot, 1998).

Au retour d’Egypte, Chaptal, alors ministre de l’Intérieur, nomme huit membres de l’expédition scientifique, le 18 février 1802, avec pour mission de collecter tout le matériel scientifique et de le publier. Cette entreprise avait été initialisée par Kléber en 1799. De 1809 à 1828, paraissent les 20 volumes intitulésDescription de l’Egypte ou Recueil des observations et recherches qui ont été faites en Egypte pendant l’expédition de l’armée française. 9 d’entre eux sont exclusivement du texte. Ce travail comprend 974 planches, dont 74 en couleur. La section de physique et de science naturelle serait concernée par 5 ( ?) volumes ( http://fr.wikipedia.org (a), 2010). A son retour d’Egypte, Larrey rencontre le futur Napoléon, en mars 1802. Il lui présente sa Relation chirurgicale de l’expédition d’Orient qu’ému, le Premier Consul reçoit et transmet aussitôt à son secrétaire en lui ordonnant de le publier dans la Description d’Egypte (Marchioni, 2003). Dans cet ouvrage, il publie aussi en 1809, un « Mémoires et observations sur plusieurs maladies qui ont affecté les troupes de l’armée française pendant l’expédition d’Egypte et de Syrie et qui sont endémiques dans ces deux contrées » (Etat moderne, tome 1, pp. 427-524), et en 1812, une « Notice sur la conformation physique des Egyptiens et des différentes races qui existent en Egypte, suivie de quelques réflexions sur l’embaumement des momies » (Etat moderne, tome 2, pp. 1-6) (Viel & Fournier, 1999). Des pharmaciens communiquent également. Au nombre de 4 dans l’expédition, Rouyer publie une « Notice sur les embaumements des anciens Egyptiens » en 1809, dans la Description d’Egypte (Antiquités, tome 1, pp. 207-220) et la même année, une « Notice sur les médicaments usuels des Egyptiens » (Etat moderne, tome 1, pp. 217-232) (Viel & Fournier, 1999). Commencée sous Napoléon, la parution s’achève sous Charles X. La première édition est publiée par l’Imprimerie impériale, qui devient l’Imprimerie nationale après le retour à la monarchie. La deuxième édition est faite par les éditions Panckoucke ( http://fr.wikipedia.org (b), 2010).

Références bibliographiques  :

Beaucour Fernand, « L’Institut d’Egypte et ses travaux », in Souvenir napoléonien,http://www.napoleon.org, 1970, n° 255, pp. 11-13.

Ducoulombier Henri, Le baron Pierre-François Percy, chirurgien de la Grande Armée, Librairie Historique Teissèdre, Paris, 2004.

Gallo Max, Napoléon – Le chant du départ, Magellan (éd.), vol. 2, Paris, 1998.

Ganière Paul, « Dubois Antoine (1756-1837), médecin », in Revue du Souvenir napoléonien, décembre 1988 ; 362 : 51-52.

Ganière Paul, « Desgenettes, René-Nicolas (1762-1837), médecin », in Revue du Souvenir Napoléonien,http://www.napoleon.org, Fondation Napoléon, 1988, pp. 47-48.

http://fr.wikipedia.org (a), Description de l’Egypte, 2010, pp. 1-6.

http://fr.wikipedia.org (b), Institut d’Egypte, 2010, p. 1.

Marchioni J., Place à Monsieur Larrey, chirurgien de la Garde impériale, Actes Sud (éd.), Arles, 2003.

Noirot Paul, La campagne d’Egypte (1798-1801), mythes et réalités, In forma (éd.), Paris, 1998.

Riaud Xavier, « René-Nicolas Dufriche, baron Desgenettes (1762-1837), médecin chirurgien de la Grande Armée », in The International Napoleonic Society, Montréal, 2010,http://www.napoleonicsociety.com, pp. 1-3.

Vercoutter Jean, Compte-rendus des séances de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 1987, vol. 131, n°3, pp. 619-620.

Viel Claude & Fournier Josette, « Voici deux cents ans : les pharmaciens et l’expédition d’Egypte », in Revue d’histoire de la pharmacie, 1999 ; 322 : 265-267.

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