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Alexandre-Urbain Yvan (1765-1839)

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Alexandre-Urbain Yvan (1765-1839), le chirurgien ordinaire (personnel) de Napoléon I er

 

Par Xavier Riaud

Alexandre-Urbain Yvan (1765-1839), le chirurgien ordinaire (personnel) de Napoléon I er

Napoléon I er, blessé au pied devant Ratisbonne, est 
soigné par le chirurgien Yvan, le 23 avril 1809.

Peinture réalisée par Pierre Gautherot (1769-1835) 
en 1810 (agence photo RMN, 2010)

 

 

 

Il naît à Paris, le 28 avril 1765. Il fait ses études médicales à l’hôpital militaire de Toulon où il se trouve encore en 1792. Chirurgien aide-major de 1 ère classe, il est affecté à l’armée d’Italie. Il est présent à Castiglione, Rivoli et Arcole. En 1798, il est promu chirurgien en chef adjoint des Invalides. En 1800, il succède à Sabatier. Il est détaché cette année-là, au service de Bonaparte lui-même, ce qui suscite de nombreuses jalousies, y compris chez Pierre François Percy, le futur chirurgien en chef de la Grande Armée (1803). Il ne le quitte plus jusqu’en 1814 et l’assiste dans toutes ses campagnes. Il est affectueusement affublé du sobriquet suivant : le Roustan de la chirurgie (Lemaire, 2003).

Ainsi, Yvan a pu assister à la toilette de l’Empereur. Omniprésent, il lui est même arrivé de dormir aux Tuileries afin que ce dernier puisse le solliciter à n’importe quel moment de la journée (Goldcher, 2004). En 1804, lorsque Napoléon organise sa maison impériale, Yvan met en place et organise son ambulance personnelle. En 1805, il est le chirurgien ordinaire de Napoléon (Almanachs impériaux, 1805-1813) et occupe aussi la fonction de chirurgien-major des grenadiers de la Garde impériale (Meylemans, 2010). En 1807, il est fait officier de la Légion d’honneur. Autres grincements de dents chez ses détracteurs (Lemaire, 2003).

C’est un chirurgien très apprécié, car il est beaucoup plus conservateur que Larrey. Après chaque combat, il rédige un rapport motivé et extrêmement détaillé sur le nombre de blessés et de tués (Dupont, 1999).

Au siège de Ratisbonne, le 23 avril 1809, Napoléon est blessé. C’est sa seconde blessure de guerre. Constant relate l’épisode : « Le coup avait été frappé si fort que l’Empereur était assis ; il venait de recevoir la balle qui l’avait frappé au talon. (…) Un aide de camp vint me chercher, et lorsque j’arrivai, je trouvai M. Yvan occupé à couper la botte de Sa Majesté, dont je l’aidai à panser la blessure. Quoique la douleur fût encore très vive, l’Empereur ne voulut même pas donner le temps qu’on lui remit sa botte, et pour donner le change à l’ennemi, et rassurer l’armée sur son état, il monta à cheval, partit au galop avec tout son état-major (Constant, 2000)… » Dans ses Mémoires (2000), Constant raconte une deuxième fois l’événement et dit qu’il n’est arrivé qu’au moment où Yvan faisait le pansement, ce qui semble plus vraisemblable. Aubry (1977) affirme qu’un biscaïen l’aurait touché au talon droit. La contusion aurait touché un nerf et le pied aurait gonflé davantage dans sa botte qu’il n’avait pas ôtée depuis trois jours. Selon lui, Yvan l’aurait également pansé. Dans son Mémorial, Las Cases (1999) rapporte les propos de l’Empereur qui lui a dit qu’ « une balle lui avait frappé le talon. » Le biscaïen est exposé au musée de l’Armée à Paris. Bien que des doutes subsistent sur la personne qui aurait fait le premier pansement, Yvan s’affaire par la suite auprès de son illustre patient.

Le 31 janvier 1810, Napoléon l’élève au rang de baron d’Empire. En 1811, il est officiellement promu au rang de chirurgien en chef des Invalides (Lemaire, 2003). Il le demeure jusqu’en 1832.

A la veille de la bataille de la Moskowa (7 septembre 1812), l’Empereur est au plus mal. Il consulte un médecin qui émet deux bulletins de santé alarmants. Yvan, après l’avoir examiné, relativise l’état de son patient dans deux lettres et nuance clairement les billets de son confrère. « L’Empereur était très accessible à l’influence atmosphérique. Il fallait chez lui pour que l’équilibre se conserve que la peau remplit toujours ses fonctions. Dès que son tissu était serré, par une cause morale ou atmosphérique, l’appareil d’irritation se manifestait avec une influence plus ou moins grave et de la toux, et l’ischurie se prononçait avec violence. Tous ces accidents cédaient au rétablissement des fonctions de la peau. Dans la journée du 5 au 6, il fut tourmenté par le vent de l’équinoxe, les brouillards, la pluie et le bivouac. Les accidents furent assez graves pour être obligé de les calmer à la faveur d’une potion qu’on alla chercher dans la nuit à une lieue du champ de bataille. Le trouble fut assez grand pour donner lieu à de la fièvre, et ce ne fut qu’après quelques jours de repos soit à Mojaïsk, soit à Moscou que la toux et l’ischurie cessèrent (Macé, 2006). »

Yvan banalise l’événement, ce qui implique que ce type de symptômes survenaient régulièrement, semble-t-il. Dans un second courrier, Yvan confirme à Ségur, qui a demandé davantage de renseignements : « La constitution de l’Empereur était éminemment nerveuse. Il était soumis aux influences morales et le spasme se partageait ordinairement entre l’estomac et la vessie. Il éprouvait, lorsque l’irritation se portait sur l’estomac, des toux nerveuses qui épuisaient ses forces morales et physiques au point que l’intelligence n’était plus la même chez lui. La vessie partageait ordinairement ce spasme, et alors il se trouvait sous l’influence d’une position fâcheuse et dégradante. Le déplacement à cheval augmentait les souffrances. Il éprouvait l’ensemble de cet accident au moment de la bataille de Mojaïsk au point qu’on fut obligé dans la nuit du 6 au 7 d’envoyer faire préparer une potion par son pharmacien qui était avec les gros bagages à une lieue de distance (Macé, 2006). »

Jamais blessé, Yvan est contusionné violemment par un boulet qui passe sous le poitrail de son cheval, à Bautzen, en 1813 (Lemaire, 2003). En 1814, au mépris des règles et du numerus clausus en vigueur qui en avait au préalable fixé le nombre, l’Empereur le nomme inspecteur général du service de santé. Dans la nuit du 12 au 13 avril 1814, Napoléon, alors à Fontainebleau, souhaite se suicider. Pendant la campagne de Russie, l’Empereur avait déjà sollicité Yvan à cet effet et lui avait demandé de lui donner une décoction susceptible de mettre fin à ses jours. Le chirurgien lui aurait donné un liquide à base de belladone et d’ellebore blanc totalement inoffensif. A Fontainebleau donc, Napoléon tente de se suicider et absorbe le breuvage qui ne fait aucun effet. Il demande au chirurgien de lui administrer quelque chose de plus efficace. Ce dernier refuse et face à l’insistance de son patient, prend panique, et s’enfuit (Lemaire, 2003). Une autre version affirme que le premier breuvage aurait été actif et qu’Yvan serait parvenu à faire vomir son patient pour le purger. Devant son état, pris de panique à l’idée d’être considéré comme le responsable de la mort du Corse, il aurait pris la fuite. Par la suite, Napoléon ne lui a jamais pardonné cette fuite et n’a plus jamais fait mention de son nom. Yvan a bien tenté de reprendre contact pendant les Cent-Jours, mais il n’a jamais été reçu, l’Empereur ayant la rancune tenace (Lemaire, 2003 et 1992 ; Goldcher, 2010).

Il meurt à Paris, le 30 septembre 1839.

 

Références bibliographiques  :

Agence photo Réunion des Musées nationaux, communication personnelle, Paris, 2010.

Almanachs impériaux, Testu & Cie imprimeurs, Paris, 1805 à 1813.

Aubry Octave, La vie privée de Napoléon, Bibliothèque napoléonienne, Tallandier (éd.), Paris, 1977.

Constant, Mémoires intimes de Napoléon I er, Mercure de France (éd.), Paris, 2000.

Dupont Michel, Dictionnaire historique des Médecins dans et hors de la Médecine, Larousse (éd.), Paris, 1999.

Goldcher Alain, « Les blessures de Napoléon », in Revue du Souvenir napoléonien, http://www.napoleon.org, juin-juillet 2004 ; 453 : 3-7.

Goldcher Alain, Autopsie commentée de Napoléon Bonaparte, communication personnelle, Saint-Maur-des-Fossés, 2010, 218 p.

Lemaire Jean-François, Napoléon et la médecine, François Bourin (éd.), Paris, 1992.

Lemaire Jean-François, La médecine napoléonienne, Nouveau Monde (éd.)/Fondation Napoléon, Paris, 2003.

Macé Jacques, Le général Gourgaud, Nouveau Monde (éd.), Fondation Napoléon, Paris, 2006.

Meylemans R., « Les grands noms de l’Empire », in Ambulance 1809 de la Garde impériale,http://ambulance1809-gardeimperiale.ibelgique.com, 2010, pp. 1-22.

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