ARTICLES - Guerre de Sécession américaine (1861-1865)

JOHN WILKES BOOTH (1838-1865)

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JOHN WILKES BOOTH (1838-1865) ET LEWIS THORNTON POWELL (1844-1865):
IDENTIFICATIONS CONTROVERSEES DE DEUX CONJURES SUDISTES
RESPONSABLES DE LA MORT D'ABRAHAM LINCOLN

par
Xavier Riaud

Introduction

Depuis Noël 1860, les 68 hommes du major Anderson (Kaspi, 1992) sont assiégés dans Fort Sumter en Caroline du Sud, par 6 000 miliciens de l’Etat sécessionniste. Les renforts n’arrivent pas. Le 12 avril 1861, le général Beauregard déclenche des tirs d’artillerie. Anderson refuse d’abord de se rendre, puis, le lendemain, renonce à résister.

La guerre civile américaine vient de commencer. Elle dure 4 ans et se termine avec la reddition du général Lee à Appomattox, le dimanche 9 avril 1865. Ce conflit, fratricide, est le plus meurtrier de l’histoire américaine. Il a coûté la vie à près de 618 000 hommes.


John Wilkes Booth (1838-1865)

Ses parents, acteurs shakespeariens anglais, émigrent aux Etats-Unis en 1821 et s’installent dans une ferme de Bel Air dans le Maryland, où John Wilkes naît en 1838.

Sa scolarité est assez chaotique (Kimmel, 1940) et c’est à l’âge de 17 ans qu’il monte sur scène la première fois. Il y joue le comte de Richmond dans la pièce de Shakespeare, Richard III. Il ne rejoue pas avant 1857 quand il rejoint le Arch Street Theater de Philadelphie. En 1858, il est accepté en tant que membre de la compagnie du Théâtre de Richmond. Très vite, les critiques saluent ses prestations et le surnomment « L’homme le plus beau d’Amérique ».

Le 2 décembre 1859, John Brown, l’abolitionniste, est pendu pour sa responsabilité dans l’attaque de Harper’s Ferry. Booth muni d’un uniforme de la milice de Richmond rejoint les gardes autour du tribunal où Brown est jugé. Il accompagne le condamné jusqu’au pied de la potence.

Le 6 novembre 1860, Lincoln est élu à la Présidence des Etats-Unis d’Amérique. Aussitôt, dans un pamphlet très agressif, Booth vilipende la politique du nouveau chef d’Etat et manifeste sa sympathie pour la cause sécessionniste.

Le 12 avril 1861, la guerre éclate. Lincoln déclare la loi martiale dans le Maryland, un Etat frontière de Washington D.C., et les sudistes qui s’y trouvent sont aussitôt emprisonnés. La famille de John est divisée. Aussi, l’acteur promet-il à sa mère de ne pas s’enrôler dans l’armée sudiste (Kauffman, 2004).

Malgré tout, Booth se fait arrêter pour des propos jugés anti-gouvernementaux.

Il enchaîne les rôles et croise la route de Lincoln à plusieurs reprises. Ainsi, le 9 novembre 1863, Lincoln se tient déjà dans la loge 7 du Théâtre Ford où il sera assassiné deux ans plus tard. En face de lui, sur la scène, Booth joue le rôle de Raphaël dans Le cœur de marbre de Charles Selby. A un moment de la représentation, Booth se serait tourné vers Lincoln en pointant vers lui son doigt et aurait déclamé une ligne de son texte en sa direction.

Booth joue pour la dernière fois dans ce théâtre, le 18 mars 1865. C’est sa dernière représentation. Toutefois, pour y avoir joué de nombreuses fois et parce que sa famille est amie avec son propriétaire John T. Ford, l’acteur peut y pénétrer de jour comme de nuit.

En 1864, la guerre bascule définitivement en faveur du Nord. Booth fomente un complot qui vise à enlever Lincoln et à l’échanger contre la libération de nombreux soldats sudistes. A cette fin, il recrute de vieux amis près à en découdre avec les autorités fédérales.

 

A l’été 1864, l’acteur contacte plusieurs confédérés importants à Boston dans le Massachusetts. En octobre 1864, il gagne Montréal pour y rencontrer les responsables de la cellule confédérée et afin d’y exposer son projet.

Après la réélection de Lincoln en novembre 1864, Booth retrouve des sympathisants sudistes à la maison de Mary Suratt.

Le 25 novembre 1864, il joue Julius Caesar avec ses frères Edwin et Junius (Kauffman, 2004). Ce sera l’unique fois.

Avec ses complices, Booth tente à deux reprises d’enlever Lincoln, sans y parvenir toutefois puisque les deux fois, le Président a été amené à changer ses plans au dernier moment.

Le 9 avril 1865, le général Lee se rend à Appomattox.

Le matin du 14 avril 1865, Booth (Norton, 2001a) apprend que Lincoln et sa femme doivent assister le soir même à une représentation au Théâtre Ford. Aussitôt, il réunit son équipe, peaufine son action et met au point un plan d’évacuation. Il demande à Paine de tuer le Secrétaire d’Etat Seward et dans le même temps, il informe son comparse Atzerodt qu’il doit de son côté tuer le vice-président Johnson. Il espère en décapitant la tête du gouvernement fédéral, créer un mouvement de panique qui convaincra la Confédération de reprendre les armes.

A 20h25, Abraham Lincoln (Catton, 2002) pénètre dans la loge 7 du Théâtre Ford à Washington pour assister à une pièce. A 22h10, un homme entre dans la loge et tire une balle de Derringer à bout portant dans la nuque du Président. Le 15 avril 1865, Lincoln décède à 7h22. Pour la première fois, un Président est tué aux Etats-Unis.

Booth parvient à quitter Washington. Herold, un membre de la conjuration, l’attendait au dehors. Le meurtrier s’enfuit, mais sa jambe est brisée au cours de son échappée. Il est très vite identifié et sa tête est aussitôt mise à prix (Swanson, 2007).

Il est poursuivi par le lieutenant Edward P. Doherty et le 16ème de cavalerie de New York. Il est pisté jusque dans le sud du Maryland, après avoir traversé le Potomac et la rivière Rappahannock. Booth est finalement encerclé dans la ferme de Richard Garett, près de Bowling Green, dans le comté de Caroline, en Virginie.

Le 26 avril 1865, les soldats donnent l’assaut. Très vite, les 2 comparses de Booth se rendent, mais pas lui. Malgré les instructions, le sergent Boston Corbett lui tire dessus et le blesse grièvement dans le cou, lui brisant la colonne vertébrale. Pendant 2 heures, l’homme agonise.

Le lieutenant Doherty envoie chercher un médecin à Port Royal qui arrive trop tard. Le corps est rapatrié, via le Potomac vers Washington pour y être autopsié. C’est l’USS Montauk, un navire blindé, qui est chargé de cette mission.

Arrivé à Washington, les autorités (Norton, 2001b) convoquent toutes les personnes susceptibles d’avoir été en contact avec le criminel afin de l’identifier formellement. Ainsi, le docteur John Frederick May (Norton, 2001c) a enlevé un gros fibrome dans le cou du meurtrier avant son méfait. Il retrouve sans peine la cicatrice de son intervention.

Le docteur William Merrill (Hyson, 2001), dentiste de Booth dont le cabinet se trouve au 344 Pennsylvania Avenue à Washington D. C., quant à lui, a soigné et obturé 2 caries avec des plombages en or. Après ouverture de la bouche du défunt, il confirme la présence des 2 plombages. De son côté, Charles Dawson, réceptionniste au National Hotel où logeait Booth, confirme la présence d’un tatouage (ses initiales JWB) présent sur la main gauche entre le pouce et l’index. Enfin, D’autres personnes, trois pour être exact, reconnaissent formellement le corps.

L’autopsie est effectuée à bord du Montauk, le 27 avril 1865. Elle est réalisée par le médecin général Joseph K. Barnes et le docteur Joseph J. Woodward (Norton, 2001b).




Rapport d’autopsie du Dr Barnes au ministre de la guerre Edwin Stanton (Swanson, 2007):

Monsieur,

J’ai l’honneur de vous faire savoir que, conformément à vos ordres et, assisté du docteur Woodward, Etats-Unis, j’ai effectué aujourd’hui à 14h une autopsie du corps de J. Wilkes Booth, qui se trouvait à bord du moniteur Montauk près du Navy Yard.

La jambe et le pied gauche étaient enveloppés dans une application d’attelles et de bandages. Après avoir enlevés ceux-ci, on a découvert une fracture du péroné (petit os de la jambe) 7,5 cm au-dessus de l’articulation de la cheville accompagnée d’un nombre considérable d’ecchymoses.

La mort est due à une blessure par balle au niveau de la nuque – la balle ayant pénétré juste derrière le muscle sterno-cléido6 cm au-dessus de la clavicule en traversant la jonction inter-vertébrale des 4ème et 5ème vertèbres cervicales – qui a tranché la moelle épinière (sic) et qui a traversé le corps du côté droit du sterno-cléido, 7,5 cm au-dessus de la clavicule.

La paralysie du corps entier a été immédiate et toutes les horreurs de la conscience lorsque l’on souffre et que l’on approche de la mort ont dû être présentes à l’esprit de l’assassin durant les deux heures pendant lesquelles il a agonisé.


Dans le même temps, le Dr Woodward (Norton, 2001b) écrit son compte-rendu d’autopsie:

Cas JWB : tué le 26 avril 1865 par une balle de pistolet conoïde tiré d’un revolver à une distance de quelques mètres. La balle a perforé la base de la lame droite de la quatrième vertèbre lombaire, la fracturant de manière longitudinale et la séparant d’une fissure de la protubérance spinale, elle a fracturé du même coup la cinquième vertèbre en passant à travers son pédicule et impliquant cette protubérance transversale. La balle a traversé ensuite le canal spinal presque horizontalement mais avec une légère inclinaison vers le bas et en arrière, perforant la moelle épinière que l’on a retrouvé déchirée et ensanglantée (voir spécimen 4087 Section IAMM). La balle a brisé ensuite les bases des 4ème et 5ème lames, propulsé des fragments d’os dans les muscles et est ressortie par le côté gauche de la nuque, pratiquement à l’opposé de l’endroit par lequel elle était entrée. Les 2ème et 3ème nerfs cervicaux n’ont pas été touchés. Ces faits ont été établis durant l’autopsie réalisée le 27 avril. A l’instant même où il a été blessé, le sujet a été victime d’une paralysie générale. Les nerfs phréniques ont continué à assurer leur fonction mais la respiration est devenue évidemment diaphragmatique, pénible et lente. Le sujet ne pouvait plus déglutir et il a tenté à une ou deux reprises d’articuler un mot, mais cela a été inintelligible. La mort, par asphyxie, est survenue deux heures environ après le coup de feu.


La plupart des historiens s’accordent à dire que Booth serait mort dans la ferme de Garett, ce 26 avril 1865. Mais, en raison du mystère qui a entouré l’autopsie et l’inhumation du meurtrier, de nombreux autres pensent qu’il n’est pas mort ce jour-là, que ce serait une autre personne qui aurait été tuée. Ils pensent également que l’Etat serait parfaitement au courant, mais pour dissimuler son erreur, ce dernier aurait fait le silence là-dessus.

En fait, la controverse est née au moment du procès des conjurés. Elle s’est accentuée en 1867 au moment du procès de John Suratt (Brown, non daté), mais la rumeur s’est arrêtée d’elle-même.

En 1869, le corps du meurtrier est exhumé (Riaud, 2007). Lors de l’autopsie, un dentiste aurait reconnu son travail. S’agit-il du Dr Merrill ? Le rapport n’en fait pas état. De son côté, Edwin Booth décide d’aller en personne examiner la tête de son frère. En arrivant, Frank Oakes Rose (Hyson, 1999), un acteur présent dans la salle et ami de Booth du temps où ils jouaient ensembles dans la compagnie du Théâtre Ford, entend celui-ci dire : « Je peux identifier mon frère, John Wilkes Booth, qui a une dent obturée avec de l’or sur la mâchoire de droite, proche de la canine. »

En 1890, un article dans le National Tribune (Hyson, 1999), rend compte que la famille Booth a décidé à l’époque, d’envoyer un dentiste de Baltimore pour identifier formellement le corps. Ce qu’il a fait. Son nom n’est pas cité.

Au printemps 1898, il y a bien quelques articles dans des journaux qui mentionnent la probabilité que Booth soit parti en Amérique du Sud, mais rien de plus.

C’est en 1903 que la question de savoir si Booth était toujours vivant s’est à nouveau posée.

Le 13 janvier 1903, un homme à Enid dans l’Oklahoma, du nom de David E. George, meurt. Avant de mourir, l’homme en question confesse qu’il est John Wilkes Booth.

Aussitôt, les journalistes s’interrogent. En effet, George aimait Shakespeare tout comme l’assassin et le déclamait publiquement. De plus, il meurt à l’âge présumé de l’acteur, soit soixante-trois ans et il présente une jambe droite fracturée juste au-dessus de la cheville des années auparavant.

Dans le doute, les restes de George sont embaumés au Penniman Undertaking Rooms dans l’attente qu’une certitude soit obtenue sur son identité. Après avoir été momifié, le corps reste de nombreux mois chez le croque-mort jusqu’à ce que Finis L. Bates (Brown, non daté), un juriste de Memphis, l’achète.

Après examen en 1869, les dires d’Edwin Booth se sont avérés confirmés. Lorsque la polémique éclate en 1903, Oakes (Hyson, 1999) rapporte : « Qu’il n’a entendu personne émettre le moindre doute quant à la complète identification du corps. » De même, dans l’Alexandria Gazette du 8 juin 1903, le fils de Richard Garett (Norton, 2001c) atteste avoir vu le corps de Booth.

En fait, cette momie ne serait pas moins qu’une arnaque. En effet, Bates aurait été ami dans les années 1870 avec un certain John St Helen qui disait être Booth. Lorsqu’il apprend en 1903, le décès de George, Bates décide de se rendre à Enid pour voir si St Helen et George sont une seule et même personne. A son arrivée, le juriste reconnaît son ancien ami sans aucun doute possible. Il achète la momie et pense avoir fait une affaire juteuse puisqu’il l’expose au public contre monnaies sonnantes et trébuchantes.

Malheureusement, la controverse, elle, se poursuit.

Il semble que cette momie ait connu une certaine malédiction. De même que Toutankhamon, de nombreuses personnes qui l’ont approchée, ont trouvé la mort dans des conditions mystérieuses jusqu’à son propriétaire qui décède seul et désargenté.

En 1931, la momie subit une batterie d’examens diligentés par une équipe médicale et de spécialistes en criminalistique à Chicago. Elle est notamment passée aux rayons X. Tout concorde : la jambe brisée, la cicatrice sur le cou, … L’équipe est vite convaincue d’avoir en fait le corps de Booth entre les mains, mais elle souffre d’un cruel manque de publicité autour de sa trouvaille. Bien que quelques articles soient parus, il n’en demeure pas moins que cet événement est passé sous silence.

En 1932, le Dr Louis Warren (Hyson, 1999), directeur de la Lincoln Historical Research Foundation à Fort Wayne dans l’Indiana, publie un article dans le Lincoln Lore, appelé depuis « Le rapport Warren », dont la conclusion est sans équivoque sur l’identification du meurtrier. Il déclare : « Un dentiste bien connu de Washington, le Dr Merrill, a effectué deux obturations en or sur deux dents de Booth quelques jours avant l’assassinat de Lincoln. Le Dr Merrill s’est souvenu de ce qu’il avait fait dans la bouche de l’acteur et a été appelé à identifier son travail. Il a formellement reconnu les deux obturations. »

En 1937, la momie est rachetée 100 000 $ par la famille Harkin (Brown, non daté) qui la conserve jusqu’en 1942. De même que Bates, les Harkin rentabilisent leur achat en lui faisant faire un circuit d’expositions dont l’entrée est évidemment payante. Les restes du présumé Booth deviennent une animation de foires extrêmement intéressante sur le plan financier.

La controverse s’est poursuivie jusqu’en 1992-1996. A partir de 1992, deux historiens, Nathaniel Orlowek et le Dr Arthur Ben Chitty (Hyson, 1999), demandent une nouvelle exhumation du corps pour identification. Soutenus par 22 membres de la famille de Booth et une pétition qu’ils ont fait signer, ils entreprennent une démarche juridique au Baltimore Circuit Court qui est annoncée publiquement dans le New York Times du 25 octobre 1994. En 1995, après cinq jours d’audition, le juge Joseph Kaplan estime que les différents éléments passés ne justifient pas pareille démarche. En 1996, un appel a été déposé à la cour du Maryland.


Lewis Thornton Powell (1844-1865), alias Lewis Payne, alias Lewis Paine

Lewis (Norton, 2001d) naît en 1844 à Randolph County en Alabama. Powell est le nom qu’il tient de ses parents. Son père s’appelle George Cader Powell. Lewis est élevé selon les préceptes baptistes. Son père sera son maître d’école. A 12 ans, alors qu’il joue avec un mulet, celui-ci, agacé, le frappe avec ses sabots. Le garçon perd une molaire et sa mâchoire est fracturée. Lors de son procès, le personnel médical constate que la blessure localisée à gauche a rendu ce côté nettement plus marqué et prononcé que le droit. A 15 ans, le garçon arrive avec sa famille en Floride.

En 1861, à l’âge de 17 ans, il s’engage dans l’armée confédérée et rejoint la compagnie I du 2nd régiment d’infanterie. C’est à Richmond, alors qu’il y stationne, que Lewis rencontre John Wilkes Booth en représentation théâtrale. Une amitié entre les deux hommes voit aussitôt le jour.

Le 2 juillet 1863, il est grièvement blessé et capturé à la bataille de Gettysburg. Il est transféré en septembre au United States Army Hospital de Baltimore dans le Maryland. Une semaine après son arrivée, Powell s’évade. Il franchit les lignes adverses à Alexandria en Virginie et part à la recherche de son régiment. Très vite, il comprend qu’il est plus aisé de voyager à cheval qu’à pied. Aussi, décide-t-il de s’enrôler dans la compagnie B du 43ème bataillon des Rangers de Mosby. Le jeune homme se fait une excellente réputation tout le temps où il sert dans cette armée. Il est perçu comme un homme « généreux, chevaleresque et galant ». A la fin 1864, il est recruté par les services secrets confédérés. Il franchit le front à Alexandria pour gagner Baltimore. Hélas, il est à nouveau arrêté. Il est sous le coup d’une accusation d’espionnage. Il est relâché faute de témoins, mais doit signer un serment d’allégeance le 13 janvier 1865. C’est là qu’il donne le nom de Lewis Paine en souvenir de la famille Payne avec qui il a chevauché sous les ordres de Mosby. C’est à ce moment, séjournant à Baltimore, qu’il rencontre les autres membres de la conjuration fin février 1865 à la maison de Mary Surratt, une complice.

Le 15 mars 1865, Paine rencontre de nuit, Booth (Norton, 2001d) et les autres membres de la conspiration fomentée contre Abraham Lincoln au restaurant Gautier sur Pennsylvania Avenue. Le 17, un plan visant à kidnapper le Président est mis au point. Ce projet tombe à l’eau, le Président ne se rendant pas à l’endroit prévu pour cela.

Le 5 avril 1865, le secrétaire d’Etat William Henry Seward (Bollet, 2002) a été blessé dans un accident de transport. En plus d’un bras droit fracturé, de contusions à la tête et au visage, et de commotions, il s’est fracturé les deux côtés de la mâchoire inférieure au niveau des prémolaires. Les chirurgiens ont essayé de maintenir sa mâchoire en place à l’aide de bandages et de ligatures des dents. Le malade peut à peine parler et souffre en permanence.

Dans la journée du 14 avril 1865, les conspirateurs se réunissent une dernière fois. Paine apprend qu’il doit tuer Seward, le secrétaire d’Etat.

Le même jour, simultanément à l’assassinat de Lincoln, à 22h00, Lewis Paine parvient à entrer dans la maison du Secrétaire d’Etat, en faisant croire au majordome qu’il a des médicaments de la part du Dr Verdi, médecin traitant de Seward. Il blesse grièvement le fils, mais son fusil s’enraye. Il sort son couteau et taillade à plusieurs reprises le secrétaire d’Etat. Il ne parvient pas à le tuer. Pourtant, la joue droite et la nuque sont très marquées. La joue pend sur la mâchoire inférieure, découvrant l’intérieur de sa bouche. Il saigne beaucoup. Le médecin de famille, le Dr Verdi (Riaud, 2006), parvient à arrêter l’hémorragie en comprimant la plaie, en appliquant de la glace et en réalisant des sutures des blessures. Le Dr Gunning a été appelé en urgence depuis son cabinet dentaire de New York et il a soigné les plaies de Seward. Le côté droit de sa fracture mandibulaire n’a jamais récupéré et Seward a conservé une fausse articulation à cet endroit.

Lewis (Norton, 2001c) s’enfuit et erre dans les bois pendant trois jours. C’est le 17 avril qu’il est arrêté dans la maison de Mary Surratt. Très vite, il est reconnu par le maître d’hôtel de Seward.

Au cours du procès de la conspiration qui s’ensuit, Paine est reconnu coupable et est condamné à mort. Le 7 juillet 1865, il est pendu.

Il est enterré à Washington (Riaud, 2007) successivement dans deux cimetières : tout d’abord dans le cimetière de Graceland, puis celui de Holmstead. En 1871, sa famille réclame ses restes. Il est inhumé dans la ferme familiale. En 1879, le cercueil est placé à côté de celui de sa mère au cimetière Geneva en Floride. A ce moment, lors du transit, une découverte est faite : la dépouille est dépourvue de sa tête. Le fossoyeur du cimetière de la capitale s’en est emparé en 1869 lors du passage des restes du criminel d’un cimetière à l’autre.

Ce crâne parfaitement identifiable suite aux conséquences de l’accident de Paine (Ownsbey, 1993) à l’âge de 12 ans, est devenu le n° 2 244 au musée médical de l’armée créé sur les ruines du Théâtre Ford. C’est en se référant aux minutes du procès qu’il est indiscutablement reconnu. En mai 1898, ce crâne est remis au département d’anthropologie du Smithsonian Institute où il est resté jusqu’en 1992, date où il a été redécouvert. Il portait la mention suivante : « Crâne de Payne pendu à Washington D.C., en 1865, pour sa tentative d’assassinat contre le Secrétaire d’Etat William H. Seward ». Malgré cela, il a dû être à nouveau authentifié. Et il l’a été de la même manière que la première fois. L’Institut a décidé de le rendre à sa proche famille qui l’a enterré avec les restes ensevelis près de sa mère en Floride, en novembre 1994.


Conclusion

Avant le 14 avril 1865, seul John Wilkes Booth est un acteur connu et reconnu. Bien que Powell n’ait pas démérité dans l’armée sudiste, il est inconnu. Leur conspiration contre le gouvernement nordiste, l’assassinat d’Abraham Lincoln et l’attentat contre le Secrétaire d’Etat Seward, permettent à leurs noms de passer à la postérité. Leur objectif était de décapiter la tête de l’establishment fédéral afin de redonner confiance au Sud et pour qu’il se relance dans cette guerre fratricide. Malgré le meurtre de Lincoln, ils n’y parviendront pas.

Si des doutes ont pu subsister quant à leurs morts, il est indéniable aujourd’hui que les deux conjurés ont été parfaitement identifiés par tous les moyens médico-légaux connus et utilisés à l’époque. Il restera bien sûr, toujours des sceptiques pour dire le contraire, mais l’histoire nous montre qu’il n’y a aucune équivoque possible quant à l’identification formelle de John Wilkes Booth et de Lewis Thornton Powell.


Bibliographie

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Riaud X., « Les dentistes, détectives de l’Histoire », Paris, L’Harmattan, Collection Médecine à travers les siècles, 2007.

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